Cannes 2013 Jour 6 : Les Salauds de Claire Denis: un film en rupture de morale

Paris la nuit, il pleut. Un homme se jette par la fenêtre. Une jeune fille nue erre dans les rues entre les paumés et les camés, hagarde et belle comme une ombre (elle, c’est Lola Créton).

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On apprend plus tard que la jeune fille a été gravement violée et que l’homme qui s’est défénestré est son père. Commence alors un lent récit filmique pour remonter à la source de ce drame amoral, intitulé Les Salauds. Un titre sartrien pour un film difficile. Qui ne plaira pas à tout le monde, tant Claire Denis (Beau travail, Trouble Every Day) ne suit pas les règles d’un scénario classique. Le film progresse dans les ellipses, et les non-dits.

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La mère de la jeune fille fait alors appel à son frère Marco (Vincent Lindon, que Claire Denis retrouve après Vendredi soir), commandant à bord d’un supertanker, qui doit alors quitter le navire pour lui venir en aide. Débouté par la vraie justice (on retrouve le ténor du barreau Dupont-Moretti, célèbre depuis le procès d’Outreau dans son propre rôle), Marco va tenter de faire justice lui-même.

 

Suivant l’unique piste donnée par sa sœur – celle d’un riche homme d’affaire parisien (interprété par Michel Subor, que Claire Denis retrouve après L’Intrus), Marco loue un appartement dans le même immeuble. Et tombe alors amoureux de sa femme (Chiara Mastroianni).

 

Tandis qu’une passion se noue entre eux, les liens qui unissaient sa nièce à son père lui apparaissent alors de plus en plus troubles. Où se situe la frontière du bien et du mal ? et dans quelle mesure le père et la jeune fille participaient ensemble aux jeux sexuels glauques dont elle a été victime ?

 

Claire Denis retrouve les thèmes qui lui sont chers (les pulsions humaines, la perversité, les différences de classes, Paris la nuit), ses acteurs fétiches (Alex Descas, Grégoire Colin), et filme toujours ses acteurs dans l’épaisseur de l’ombre et de la lumière (on retrouve Agnès Godard à la photo), à la recherche d’une vérité qui échappe. Et finit par éclabousser le film dans une fin d’un pessimisme achevé.

 

C’est bien la destruction qui est au cœur de ce film très noir. Parce que les liens qui se nouent au cours du film se détruisent peu à peu, et que ceux existaient sont déjà détruits. No way out, si ce n’est la musique lancinante et désespérée des Tindersticks, qui vient clore le générique final. Et vous happer avec une langueur sourde. Parce que les salauds, eux, courent toujours.

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