
Cuisine belge: La meilleure du monde

Le plus médiatique d'entre eux, Yves Mattagne, livre leur recette.
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Chaque année, à la fin de l'automne, une pluie d'étoiles s'abat sur notre pays. Celles du Guide Michelin, dont la version 2013 vient de sortir. Régulièrement oubliée par les prix littéraires et les Nobel qui tombent à la même saison, la Belgique brille côté cuisine. Ses citations au Michelin valent bien un Goncourt. Et le prestige de ses chefs, qui ont accédé au statut d'icônes, n'est plus à démontrer. On murmure même au-delà de nos frontières que la gastronomie belge est l'une des meilleures du monde. Tant mieux pour nous, bonnes fourchettes et toqués des fourneaux, comme en témoigne le succès d'émissions télé comme MasterChef, Top Chef, Comme un chef ou Un dîner presque parfait.
Parmi les dix nouveaux restaurants étoilés, deux sont issus des rangs d'Yves Mattagne, le Alexandre et le Va doux vent. Lui-même doublement étoilé avec le Sea Grill et chef du restaurant japonais YuMe à Woluwe-Saint-Pierre, il incarne à la fois la figure la plus médiatique - on l'a vu dans 1000 secondes aux côtés d'Agathe Lecaron - et celle de parrain de la gastronomie belge. Entre un cours de cuisine, de nombreuses activités de consultance et un soir de service, il raconte cette cuisine qu'il chérit tant: la cuisine de chez nous.
La cuisine belge, c'est quoi?
C'est avant tout des chefs. Si notre cuisine est renommée dans le monde entier, c'est grâce à eux. Par ailleurs, la Belgique dispose d'excellents produits, mais en quantité assez limitée, contrairement à la France avec son énorme terroir. Prenez les champignons des bois: on en a dans nos forêts, mais pas assez pour en tirer ce qu'on veut. Les chefs belges ont donc tendance à aller chercher leurs produits à l'étranger.
En caricaturant, la cuisine belge est-elle un embryon de cuisine française avec une sauce à la bière?
Dans la gastronomie, on parle de cuisine franco-belge, c'est vrai. Mais il existe un terroir belge: le saucisson, le jambon d'Ardenne, les poissons, les choux de Bruxelles, le chocolat, les pâtisseries ou les fameuses frites. Et donc, il existe aussi une vraie cuisine belge. Ce sont des classiques, comme le faisan à la brabançonne ou le waterzooi, par exemple. Ils représentent le patrimoine de la cuisine belge, qu'on retrouve dans les petites brasseries et dans les familles. Aujourd'hui, beaucoup de grands chefs revisitent ces plats et les remettent au goût du jour. Pour la carbonnade flamande, par exemple, on utilise une joue de bœuf, cuite à basse température dans son jus. À la place d'une moutarde traditionnelle, on fait une gelée de moutarde, que l'on place sur une grosse frite. On essaie de conserver l'identité du plat tout glissant vers la modernité.
Le Belge sait-il bien manger?
Oh oui! Il aime manger et il est donc très difficile. La preuve, c'est que même les Français disent de leur clientèle belge qu'elle est la plus fine connaisseuse. Elle aime le goût et elle est prête à dépenser pour bien manger. D'ailleurs, on mange aussi bien en Belgique qu'en France. Peut-être même mieux. Il y a de très grands chefs des deux côtés. Mais en termes du nombre de restaurants et de la cuisine qu'ils proposent, je pense que la Belgique est globalement de meilleure qualité.
Comment notre cuisine a-t-elle évolué ces dernières années?
En vingt ans, les techniques se sont transformées, en Belgique comme ailleurs. Les produits, eux, voyagent de plus en plus. Avant, on se focalisait sur les produits du terroir. Aujourd'hui, la cuisine est beaucoup plus ouverte sur le monde. Les festivals de cuisine étrangère, comme on en organisait à l'époque, ont tout simplement disparu, parce qu'ils ont perdu tout leur intérêt de découverte. Même dans les plats traditionnels, on trouve maintenant des touches venues de tous les continents. Dans ce paradis de la créativité, les chefs belges sont forts et font la différence par rapport à leurs confrères étrangers.
À l’étranger, notre cuisine est-elle bien perçue?
Elle a une certaine noblesse. À nouveau, ce sont les chefs qui transmettent leur identité. Tout le monde sait bien que les chicons viennent de Belgique ou que les asperges belges sont fameuses. Mais souvent, à l’étranger, on réalise deux ou trois préparations avec des produits belges, et le reste avec des produits moins typiques. Je ne devrais pas dire ça, mais les meilleures viandes, par exemple, elles ne sont pas en Belgique! On les importe d'Espagne, de France, d'Australie ou des USA.
Et chez nous, y a-t-il encore des identités régionales culinaires marquées?
On ne travaille pas les mêmes produits à la Côte et dans les Ardennes. Mais avec la mondialisation des produits, les identités régionales s'estompent. A l'exception, bien sûr, des petits restaurants locaux et de la cuisine familiale.
On entend souvent des chefs italiens ou français dire que la meilleure cuisine reste celle que l'on fait à la maison…
C’est très italien, ça! (Rire.) On a tous des goûts d’enfance en nous. Les miennes me viennent de ma grand-mère et j'ai gardé dans le palais des plats que ma mère préparait. Souvent, ces cuisines d’enfance sont celles que l’on préfère. Elles sont très nourrissantes, elles évoquent des souvenirs. En plus, les Belges aiment manger en famille et recevoir chez eux. Mais avec les nouveaux horaires de travail et le fait que Monsieur et Madame travaillent tous les deux, il devient plus difficile de cuisiner à la maison.
Interview complète dans le Moustique du 28 novembre