
Dans les coulisses de D6bels

A quoi s'attendait-on au juste? On ne sait pas trop. Mais sûrement pas à la beauté de la salle de la ferme du Biéreau, avec ses gigantesques poutres apparentes, ses murs de briques brutes et son jeu de lumière à couper le souffle.
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D’habitude, les plateaux télé ont plus fière allure au travers du prisme cathodique qu'en réalité: plus petits, un peu cheap, suréclairés... Pas sur le tournage de D6bels. Bienvenue dans les coulisses d'une émission unique en son genre.
Branle-bas de combat aux abords de la ville universitaire de Louvain-la-Neuve. Rien à voir avec une fête estudiantine ou la tension des examens, non. En ce début de mois de février, les équipes de la RTBF ont pris d'assaut la salle de concert du Biéreau qui accueille et coproduit l'émission depuis 2009 pour y enregistrer d'une traite les huit numéros diffusés en ce début de printemps, avant de se retrouver pour le rendez-vous d'été de D6bels aux Francofolies.
Une petite semaine d'installation et de répétitions, puis quatre jours de tournage. C'est court, mais pratique. "Il y a deux raisons à ça. La première est toute simple: Jean-Philippe Darquenne, le présentateur, vit à Los Angeles le reste de l'année, il n'est donc pas accessible quand on le veut. L'autre est financière. L'émission demande une grande dépense d'énergie et de moyens pour tout mettre en place. C'est plus facile de tout filmer en une fois" explique Philippe Longtain, le producteur de D6bels On Stage.
Il faut également profiter des périodes creuses, où aucun concert n'est prévu dans la salle du Biéreau. La logistique est complexe est implique certaines contraintes. Le marketing aussi, d'ailleurs. Luc Lorfèvre, notre collègue et chroniqueur musical sur l'émission, nous éclaire: "Quand on présente un buzz ou un artiste, il faut rester flou. On ne peut pas donner de chiffres de ventes précis à cause du laps de temps entre l'enregistrement et la date de diffsion, on ne sait jamais ce qui va se passer entre les deux".
Monte le son
Pourtant, sur le coup de 18 h, à un peu plus de deux heures du début des enregistrements de cette grosse machine, l'ambiance est ultra-détendue. Le public doit arriver d'une minute à l'autre et les répétitions de Puggy battent leur plein sans la moindre fausse note devant une poignée de curieux, d'enfants qui s'amusent, l'œil avisé des techniciens, la rotation des caméras motorisées...
Pas de play-back comme dans les trois quarts des émissions de variétés, ici l'impression d'assister à un concert privé est prégnante. Et pour cause, en plus du magnifique jeu de lumières, l'acoustique du lieu est excellente. Mais, à ce moment précis, c'est ailleurs que ça fourmille: au cœur des énormes camions-régies installés devant le bâtiment.
Tous les réglages techniques doivent être impérativement terminés avant le début du tournage. Le contraste entre la tranquillité des répètes du groupe et la folie des régies est saisissant. En véritables chefs d'orchestre, le script et le réalisateur y indiquent l'ordre de passage des caméras comme des mitraillettes. Juste à côté, dans le caisson insonorisé, quatre techniciens s'affairent à offrir le meilleur son qui soit. Batterie, voix, guitares, rien n'échappe à l'oreille affûtée de ces ingénieurs musicaux. Quand on s'appelle D6bels, impossible de négliger cet aspect du show.
Mais l'heure tourne. Un impératif: respecter les timings. "D6bels, c'est une grosse machine bien rodée mais très fragile. Un seul grain de sable peut bloquer tous les rouages, continue Philippe Longtain. J'ai eu chaud cette semaine. Ma plus grande crainte concernait... la météo. On a annoncé de la neige pour ces jours-ci et si elle tombe, le public peut ne pas venir, les groupes arriver en retard ou rester coincés ailleurs."
Effectivement, doucement mais sûrement, les flocons font leur arrivée à l'extérieur du bâtiment. Mais tout ira bien ce soir: public, chroniqueurs et groupes sont déjà arrivés sur place. Du côté des loges, Puggy se détend avant d'ouvrir le bal alors que la jeune Milla Brune nous confie qu'il s'agit seulement de sa seconde apparition télé. C'est là tout l'équilibre du show: une programmation basée sur la découverte d'artistes prometteurs et la prestation de groupes confirmés. Gilbert Lederman, responsable du département francophone d'Universal et fan de la première heure, est ravi. "D6bels est très important pour notre label. D'une part parce qu'il n'existe pas vraiment d'autre émission où les artistes ont la possibilité de s'exprimer à la télé dans un cadre où ne parle que de musique, mais également parce que c'est un déclencheur de carrières. Je me souviens de la première apparition de Jali, complètement inconnu avant. Pareil pour Stromae qui a fait son premier live télé à D6bels et même pour Puggy qui vient aujourd'hui en tête d'affiche." Adamo, Zazie, Soldout ou An Pierlé assureront le gros du spectacle des autres numéros, mais sans trop participer aux flonflons de la promo.
L'effet loupe
Les chroniqueurs et producteurs ont donc en permanence un œil sur les actualités musicales du pays ou d'ailleurs pour proposer la crème de la crème et, peut-être, servir de coup de pouce aux artistes émergents.
Serge MPatha, chroniqueur, a lui-même bénéficié des talents de dénicheur des équipes de Philippe Longtain. Lui qui va présenter son coup de cœur, le groupe de rap parisien 1.9.9.5., se souvient de ses débuts. "J'ai envoyé plusieurs enregistrements des capsules que je produisais il y a un peu plus de trois ans, principalement au sujet des musiques urbaines. A l'époque, je ne présentais pas mais j'ai insisté, insisté, insisté. Puis un jour, Philippe Longtain m'a appelé et m'a dit de passer aux enregistrements. Il n'avait jamais vu ma tête et pourtant, il m'a fait confiance et m'a confié une chronique."
Depuis, Serge MPatha fait son trou à la RTBF, présent l'année dernière comme V-Reporter pour The Voice et toujours dans l'équipe de D6bels. Les prochains à profiter de cette visibilité seront les excellents créateurs du concept de vidéos Bruxelles, ma belle,qui font jouer des groupes dans des lieux hors du commun de notre capitale. Une de leurs vidéos sera diffusée systématiquement après chaque émission. Autre nouveauté: Antal Moreau de TV Com présentera D6bels On Stage, l'after en toute fin de programme où seront dévoilées coulisses et impressions des artistes.
Même à une petite heure du début des enregistrements, l'ambiance reste cool et relax. Comme une grande procession, les équipes se dirigent vers le haut du bâtiment: à table. Sans différenciation, chroniqueurs, techniciens et groupes de musique s'asseyent en rang pour profiter du buffet et discuter une dernière fois des préparatifs de l'émission.
Marc Ysaye et Jean-Philippe Darquenne se marrent autour d'un couscous alors que les membres de Puggy terminent leurs Danette. Une sonnerie retentit et la chauffeuse de salle descend sur le plateau pour faire claquer les mains des trois cents personnes massées devant la petite scène, dont Christophe Leclef, un aficionado présent à chaque fois depuis deux ans et demi. Il fait bouillant, les lumières s'éteignent, Jean-Philippe Darquenne répète son lancement deux, trois fois en bafouillant.
Le quatrième essai est concluant, et tant mieux, l'enregistrement vient de commencer. C'est parti pour plusieurs heures de musique, live. Et ça marche: en un an, les audiences ont pratiquement doublé pour flirter avec un peu plus de 100.000 fans.
D6BELS UN JEUDI SUR DEUX LA DEUX 22H45
Photo: C. Anceau