
Esperanzah! Une dixième réussite

Pour le reste, cette dixième édition a tenu toutes les promesses tant du côté des concerts que des nombreux à-côtés: l’ambiance festive, sans les excès parfois observés ailleurs, et le militantisme, le plus souvent ludique, mais omniprésent. Le directeur d’Esperanzah!, Jean-Yves Laffineur, nous avait expliqué que les organisateurs relevaient, chaque année, un pari: qu’aucun spectateur ne traverse le festival sans être au moins touché par un concert ou une des causes défendues. C’est une nouvelle fois gagné. Trop forts! Voici nos coups de cœur.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Sharon Jones & the Dap-Kings
Section musicale "officielle" du label soul Daptones Records, les Dap-Kings connaissent leur abécédaire rythm'n'blues sur le bout des doigts. Ce sont eux que l’on retrouvait, par exemple, sur le "Back to Black" d’Amy Winehouse. Mais leur meilleur plan reste d’accompagner Sharon Jones sur scène. Avec la quinqua survoltée, ils offrent des concerts où se mélangent maîtrise et énergie. Fille spirituelle de James Brown, la chanteuse américaine ne s’économise jamais. Entourée de cuivres, choristes, deux guitaristes, une bassiste, un batteur et un percussionniste, elle a livré, vendredi soir, une prestation incendiaire dont on parlait encore le lendemain.
Professor
Derrière ce surnom se cache Harrison Stafford, guitariste-chanteur de Groundation. Depuis le temps qu’on suit la formation américaine, on sait quels ingrédients sont d’office privilégiés durant le concert: enthousiasme et bonnes vibrations. Entouré d’un groupe dont le batteur Leroy "Horsemouth" Wallace et le bassiste Flabba Holt ont joué avec les plus grands noms du reggae, il ne met effectivement que quelques minutes à vouloir partager sa joie d’être entouré de telles légendes. "Je suis comme un gamin qui réalise un rêve", jubile-t-il. Musicalement, le passage en revue de son album solo "Madness" et de quelques classiques du reggae est à la hauteur du plaisir visiblement pris par le groupe.
Che Sudaka
Mélange de musiciens chiliens et argentins ayant émigré à Barcelone, ils ont porté haut et fort la cause des sans-papiers. Eux-mêmes ont connu ce sort. Au début de leur carrière, en 2003, Esperanzah! avait dû aller les chercher en camionnette en Espagne parce qu’ils ne pouvaient pas prendre l’avion, faute de documents d’identité en ordre. Depuis, ils se sont bien rattrapés. Produits par Gambeat, bassiste de Manu Chao, ils parcourent le monde et dynamitent les scènes de concert en adaptant à leur manière les habitudes musicales de Radio Bemba ou La Mano Negra. Il y a pire comme filiation. En une heure de concert, les Sud-Américains ont retourné la scène Côté Cour. Qui leur a offert de belles ovations en retour.
Tiken Jah Fakoly
La révolution africaine de l’Ivoirien est en marche. Sur scène, outre ses textes et explications au public, elle prend la forme d’un mélange entre reggae roots, instruments traditionnels africains et chant en malinké. Il a fallu un peu de temps pour s’y habituer mais, désormais, c’est intégré: Tiken Jah a ralenti le rythme, même lorsqu’il rejoue d’anciens morceaux. Ce que sa musique perd en pouvoir dansant, elle le regagne en encourageant à la réflexion et à la méditation. Mais gare, le lion est toujours susceptible de se réveiller pour filer un bon coup de griffe à son public. Rastafari.
AfroCubism
Mené par les chants d'Eliades Ochoa et Kassé Mady Diabaté, le groupe AfroCubism, qui réunit musiciens cubains et maliens, a donné une leçon de mixité artistique. Des congas latinos au son boisé du balafon africain, tous les instruments conviés par la douzaine de musiciens trouvent leur place au sein de compositions où s’entremêlent joie et nostalgie. C’est beau et rudement bien joué. Un final parfait pour la scène d’un Côté Jardin qui, tout de suite après le concert, s’est illuminé d’un superbe feu d’artifice. Joyeux anniversaire, Esperanzah!
© Photo Esperanzah!