
Et (re)voici le Muppet Show!

Le Muppet Show, c’est un peu la Madeleine de Proust des gamins de la fin des années septante et du début des eighties. Nous savourions des BN pour le goûter et écoutions des vinyles. Nous tentions le diable lors de quarts d’heure américains arrosés à la grenadine dans des surboums qui se tenaient à l’heure du thé, arborions des pantalons en velours à grosses côtes et rêvions de ces années 2000 où, c’est sûr, nous irions en vacances dans l’espace.
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Trente ans plus tard, nous n’avons pas décroché la lune. Mais un nouveau film des Muppets nous offre un nouvel aller simple vers une certaine nostalgie. La nostalgie? Une tendance lourde dans la production mainstream actuelle, même si pas toujours forcément appréciée. "YouTube est une gigantesque décharge de mémoire collective, sorte de monstrueuse invitation à sa vautrer dans la nostalgie" affirme par exemple le journaliste Simon Reynolds. L'homme sait de quoi il parle: il vient de publier le livre Rétromania, qui traite du retour à l’avant-plan de l’entertainment des années 70 et 80. Une vision qui, paradoxalement, n'est pas loin d’être partagée par James Bobin, réalisateur du nouveau film qui réhabilite les Muppets près d'un tiers de siècle après le dernier show à la télé.
Certes, l’homme est régulièrement célébré par les geeks du monde entier pour avoir pondu un documentaire mythique sur les jeux vidéo vintage (Thumb Candy, visible sur… YouTube), mais il ne vit pas exclusivement dans un univers de pixels gros comme le pouce. "Je suis effectivement un fan de ce que l’on appelle le retrogaming: je rejoue à d’anciens jeux comme Space Invaders sur des consoles d’origine, style Atari. Mais je n’ai pas mélangé les métiers pour autant. Les Muppets s’adressent à une cible bien plus large que les purs nostalgiques. Pour ceux qui ne manquaient aucun épisode télé à l’époque, ce film réactivera un maximum de souvenirs, mais nous avons quand même tenu à ce que ce long métrage parle à toutes les générations."
Le film ou les rééditions DVD?
On n’y verra donc pas Alice Cooper terrorisant les poules du cuisinier suédois ou Elton John en juste-au-corps en cuir tapant le duo avec Miss Piggy. "En fait, nous avons juste conservé l’esprit original de la série. Certains fans m’ont reproché de ne pas avoir suivi cet humour d’époque, bon enfant mais daté. Heureusement, la plupart ont bien compris qu’il fallait évoluer, sous peine de paraître trop ringards. Soyons clair: ceux qui veulent voir les Muppets pour retrouver leurs sensations de jeunesse n’ont qu’à se tourner vers les rééditions en DVD. Mais si des quadras veulent retrouver quelques bonnes sensations et initier leurs enfants à l’univers des Muppets sans passer pour de vieux cons, ils sont à la bonne adresse."
Pour tenter de conquérir les 7 à 77 ans, The Muppets ratisse en tout cas très large. Tant au niveau de son scénario, basique mais efficace, que de ses invités, scientifiquement choisis pour parler à chaque génération. Y apparaissent ainsi notamment Selena Gomez, égérie des ados très prépubères (voir la série télé Le sorcier de Waverly Place, le film Bienvenue à Monte-Carlo) ou Jack Black, très populaire chez les jeunes trentenaires. "Nous avons sciemment évité les invités qui ont fait les grandes heures du Muppet Show de l’époque, genre Charles Aznavour ou Julie Andrews." Bref, le film se positionne dans la catégorie du divertissement familial, reprise des droits du show par Disney oblige.
La machine à cash est déjà en marche
"Disney ne cherche pas uniquement à faire revivre la nostalgie des Muppets,explique James Bobin. Il s'agit aussi d'inscrire la marque dans l'avenir. Ce film ne constitue donc qu’une première étape dans le retour des marionnettes de Jim Henson à l’avant-plan. Je fais assez confiance à l’expérience de Disney pour tenir ses promesses sur le long terme au niveau artistique." Et sans doute aussi au niveau commercial. La machine à rêves et à cash est en effet d’ores et déjà en marche. Les peluches ont à nouveau envahi les magasins de jouets et de nouveaux produits dérivés sont annoncés, de l’oreiller Fonzy au maquillage estampillé Miss Piggy.
Raison supplémentaire: les premiers résultats sont plus qu’encourageants. En deux mois d’exploitation aux Etats-Unis, le film a amassé 90 millions de dollars de recettes. Dont la moitié proviendrait du portefeuille de spectateurs même pas nés lors du dernier solo de piano du chien Rowlf. La chaîne de magasins de jouets Toys"R"Us fait un constat identique: aux Etats-Unis, les peluches tirées de la série figuraient en troisième position des cadeaux de Noël les plus demandés l’an dernier. C'est sûr, les cours de récré sont condamnées à reprendre une couche de Muppets. Tant qu'elles ne devront pas aussi se ravaler une tranche de Choco Prince vanille aujourd’hui heureusement oubliée, tout va bien…