Francis Ford Coppola: "73 ans, c’est vieux pour commencer une nouvelle carrière"

Le Parrain du cinéma américain ne veut plus entendre parler de blockbusters d'où l'on voit couler les millions de dollars. Twixt en est la preuve absolue.

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Au-delà de la catharsis, Twixt vous a-t-il apporté du plaisir, ce qui a toujours été l’un de vos moteurs essentiels?
Francis Ford Coppola - Bien sûr! Et surtout un plaisir simple mais rare: faire ce que je voulais! J’ai travaillé avec mon budget propre. Donc, je ne devais de comptes à personne. Et cela représente une véritable libération. Dans l’industrie cinématographique actuelle, tant de gens ont leur mot à dire qu’il serait laborieux de se mettre d’accord sur une histoire aussi étrange et personnelle que celle-ci. Par ailleurs, j’ai appris à travailler de manière encore plus économique. Pour une partie des décors, nous avons par exemple utilisé ma propre maison et mon domaine viticole de la Napa Valley en Californie. Mais je n’ai pas pu aller au bout de mes expérimentations. J’aurais voulu être le premier DJ-réalisateur de l’histoire avec ce film.

C’est-à-dire?
L’idée était de tourner un maximum de scènes. Puis de partir sur la route, comme des musiciens en tournée, et de monter, chaque soir, le film en direct devant le public en fonction de l’humeur et des demandes de celui-ci. Mais c’était irréaliste financièrement.

Par contre, vous avez innové sur la 3D…
Selon le principe du less is more. Twixt contient trois courtes scènes en trois dimensions. Lorsque j’ai vu Avatar, je me suis rendu compte que porter des lunettes durant tout un film pouvait se révéler assez fastidieux. Et qu‘en plus, quand tout un film est en 3D, l’œil s’y habitue et on y perd l’effet de surprise. Donc, ici, le spectateur ne chaussera ses lunettes que durant quelques minutes. C’est amplement suffisant. En matière de 3D comme ailleurs, le cinéma a perdu le sens de la mesure!

Après des films d’une envergue gigantesque, comme Apocalypse Now, ou la trilogie du Parrain, vous voir prôner le retour de la raison a quelque chose de surréaliste…
J’étais vu comme le réalisateur du gigantisme, qui devenait relativement maudit quand il essayait autre chose. Lorsque j’ai réalisé des films à plus petit budget et moins spectaculaires, comme Cotton Club (1984) ou Dracula (1992), le public n’est pas allé les voir car il se sentait lésé sur la marchandise. J’en étais assez désespéré. Mais c’est grâce à la vision de Virgin Suicides (1999) de ma fille Sofia, ou Happiness (1998) de Todd Solondz, que je me suis dit qu’un autre cinéma américain était possible. Car ces films pas chers avaient réussi à combiner succès critique et public.

Et vous, actuellement, vous cherchez plutôt quel type de succès à travers vos œuvres?
Aucun succès d’aucune sorte! Si un film fonctionne et que l’on en dit du bien, je ne ferai pas la fine bouche. Mais je tiens dorénavant surtout à faire oublier mon nom, condition a priori essentielle pour redéfinir mon cinéma. Avec les films les plus personnels de ma carrière. Comme Twixt. Et Tetro (un mélodrame baroque, lui aussi très personnel, sorti en 2009 - NDLR) avant lui.

Vous pensez qu’il faut absolument disparaître pour gagner le droit à une autre vie?
Dans le domaine du cinéma, oui. Car vous êtes catalogué dès le début. Idéalement, je voudrais retirer les bouquins consacrés à moi des librairies et des bibliothèques. Et enlever mon nom de toutes les fiches techniques qui parlent de mes films, sur Internet et ailleurs. Ensuite, je pourrais enfin repartir de zéro. Mais le temps presse. J’ai 73 ans. C’est vieux pour commencer une nouvelle carrière. Mais je suis têtu. C’est d’ailleurs grâce à cette ténacité que je suis arrivé au bout d’Apocalypse Now.

Vous voyez que votre nouvelle virginité cinématographique n’est pas gagnée! Puisque c’est vous-mêmes qui prenez encore ce film-là en exemple…
(Il sourit.) Il m’a en tout cas appris une chose essentielle: la reconnaissance peut arriver sur le tard. Ce n’est que des années après sa sortie qu’il est devenu un classique et que les gens sont enfin allés le voir. Idem pour THX 1138 (1971) de George Lucas, que j’ai produit. Donc, même si le public ne se rue pas sur Twixt dès sa sortie, je ne perdrai pas espoir…

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