

En 1956, Miles Davis sortait l'album Birth Of The Cool. Il n'y cherchait pas à jouer vite. Mais juste. Chaque note avait sa raison d'être, à l'endroit précis où il la posait. La quintessence de l'économie de jeu. C'est à ce moment qu'apparut sur les écrans de cinéma un jeune homme qui allait appliquer la même règle à son jeu d'acteur: Steve McQueen.
Aucun effet, aucune exubérance, juste une présence qui lui valut d'être surnommé le King of Cool. Près de 50 ans plus tard, le grand héritier de cette technique qui consiste à en faire moins pour en obtenir plus n'est autre qu'un jeune homme ayant grandi dans le monde merveilleux du Mickey Mouse Club: Ryan Gosling.
Il est aujourd'hui l'acteur que tout le monde s'arrache. Pour sa belle gueule de premier de classe, pour son regard bleu azur, pour ce subtil mélange de mâle assumé et de garçon sensible. Cette semaine, l'homme qui a définitivement imposé son style avec le célébrissime Drive de Nicolas Winding Refn est à l'affiche de Gangster Squad aux côtés d'Emma Stone, Josh Brolin et Sean Penn.
Il y interprète un flic prêt à en découdre avec le patron de la pègre (le très cabotin Sean Penn) dans le Los Angeles de la fin des années quarante. Malgré un casting impressionnant, c'est une fois de plus lui qui sort son épingle du jeu. Nous ressortant le même coup que dans Drive, le cure-dent et la veste argentée en moins. Il tue avec le poignet mou, drague avec langueur, regarde sereinement au loin, et rentre soudainement dans d'impressionnants accès de colère. En fait, Ryan Gosling aiguise peu à peu une technique qui lui appartient à lui seul: celle de se précipiter... lentement.
Né le 12 novembre 1980 au Canada - ce qui n'est pas une tare pour devenir un grand acteur à Hollywood: voyez Michael J. Fox, Jim Carrey ou Donald Sutherland -, Gosling est un enfant du Mickey Mouse Club. Comme Britney Spears ou Justin Timberlake. Il a d'ailleurs habité avec Justin et sa maman lorsqu'il dut débarquer à treize ans à Orlando en Floride pour travailler chez la petite souris.
A l'époque, les plateaux et les séries s'enchaînent. Lorsque le show s'arrête, Gosling doit rentrer au Canada, mais avec un virus bien implanté: il sera acteur. Convaincu du handicap que pourrait causer son accent canadien à Hollywood, il apprend alors à parler avec le même accent que Marlon Brando.
Un pari payant puisqu'en 2001, l'année de ses dix-neuf ans, il décroche le rôle d'un Juif antisémite dans The Believer, qui balaiera l'image bien lisse du petit garçon de chez Mickey. Le film remporte le prix du jury au très prestigieux festival de Sundance et sa prestation est saluée par la presse et les professionnels.
C'est en 2004 qu'il connaîtra son premier succès public avec le blockbuster estival de Nick Cassavetes, The Notebook. Il y interprète un charpentier désireux de construire à sa dulcinée la maison de ses rêves. Une histoire d'amour qui lui vaut d'être récompensé aux MTV Movie Awards dans la catégorie "Meilleur baiser de cinéma". Ceux et celles qui ont vu Drive et l'incroyable scène de l'ascenseur savent qu'il excelle encore aujourd'hui dans l'art de très bien embrasser les filles.
Mais Ryan n'a pas fait ce métier pour s'entendre dire qu'il est le roi du roulage de pelles. Et c'est en 2006, avec Half Nelson, qu'il décroche sa première nomination aux Oscars, dans le rôle d'un professeur d'école accro à la cocaïne qui va lier une relation d'amitié avec l'une de ses élèves.
Tout est désormais en place pour la grande explosion. Et malin, Gosling va prendre le temps de mettre en place sa consécration. Absent des plateaux durant trois longues années (dont il profitera pour enregistrer un premier album très recommandable avec son groupe Dead Man's Bones, sorte de folk rock avec une chorale d'enfants qui parle de zombies et d'histoires d'amour qui tournent forcément mal), son retour au cinéma sera fracassant: cinq films en deux ans.
All Good Things, Blue Valentine, Crazy Stupid Love, Drive et Les marches du pouvoir de George Clooney. Le succès public est total. Gosling plaît aux femmes, aux garçons, aux jeunes filles, aux gays, aux actrices aussi (il a un impressionnant tableau de chasse: Sandra Bullock, Rachel McAdams, Blake Lively, Olivia Wilde et Eva Mendes).
Mais il n'a pas encore fait succomber l'Académie des Oscars, qui étonnamment ne le nomme pas pour sa prestation dans Drive. Gosling en profitera pour diffuser une photo devenue célèbre de lui faisant la moue, dressant un carton sur lequel il est écrit: "Mais où est ma nomination à l'oscar pour Drive?" Le mec a du caractère. Mais aussi de l'humour. C'est comme ça, il y en a qui sont honteusement gâtés à la naissance.
Même si Gangster Squad est un film policier un peu grossier, l'année 2013 devrait d'ailleurs se révéler une nouvelle grande année pour Ryan Gosling.
Il sera dans le nouveau film de Terrence Malick, on le verra dans Only God Forgives, le très attendu nouveau film de son comparse Nicolas Winding Refn (Drive). Et il tournera également How To Catch A Monster dès le mois de mai, son premier film en tant que réalisateur. Le règne de Ryan Gosling a débuté. Et ça risque de durer bien longtemps.
Gangster Squad
Réalisé par Ruben Fleischer. Avec Emma Stone, Sean Penn, Josh Brolin, Ryan Gosling - 113'.