Ikea en chiffres: Le monde est jaune et bleu

On connaissait les meubles IKEA. Mais il y a aussi les chaînes d’hôtels IKEA, les quartiers IKEA et les banques IKEA. Annoncé à Mons en 2015, le géant suédois n'a pas fini de vendre du rêve, toujours en kit.

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De belles mensurations (80-28-202), un tarif alléchant (39 €): l'étagère Billy est une vraie célébrité.. Si vous tapez son nom dans Google, elle arrive avant Billy Joel ou Billy the Kid. Elle est la star absolue des magasins et catalogues IKEA. Quatre lettres et deux couleurs (celles du drapeau sudéois) qui, en soixante ans, ont révolutionné le monde du meuble, et bien au-delà. Dernier avatar de la success story du géant scandinave: après la Suède, la Grande-Bretagne, le Danemark et l’Allemagne, IKEA a annoncé l’implantation aux Pays-Bas de la Ikano Bank, une institution financière affiliée au groupe, qui aide les client à financer leurs achats dans ses enseignes.

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"L’esprit IKEA", comme le nomment les dirigeants, a frappé la planète. En Belgique comme aux Etats-Unis ou en Chine, nous sommes les victimes volontaires de cette entreprise qui ne cesse de diversifier ses activités en même temps que naissent toujours plus de magasins de meubles. L’un est d’ailleurs prévu à Mons pour 2015, et vous pourriez bien faire partie des 2 millions de visiteurs attendus chaque année. Un peu pour la bonne cause: malgré son côté "meubles jetables", IKEA est souvent considéré comme un modèle de développement durable et fait don chaque année de 45 millions d’euros à des œuvres caritatives. On en oublierait presque les scandales qui entachent la société, comme la surveillance illégale de salariés et de clients pour laquelle elle est aujourd’hui poursuivie en France.

Mais aller chez IKEA, c’est surtout tendance, même si cela rime avec bouchons à la sortie des autoroutes pour engloutir les moules-frites à 5 euros ou le hot-dog à 50 cents. Comme le dit le héros de Fight Club, dont l’appartement est une véritable showroom IKEA qu’il décrit au début du film, en suédois s’il vous plaît: "Avant, on lisait de la pornographie. Maintenant, des catalogues design". Amen.

198 millions

C’est LE livre de la rentrée. Avec ses 198 millions d’exemplaires déclinés en 29 langues et 61 éditions, le catalogue IKEA, bible du design à prix cassés, fait l’effet d’une bombe atomique. Le terme n’est pas tout à fait mal choisi: la Bible, la vraie, est imprimée aujourd’hui à 100 millions d’exemplaires par an. A côté des chiffres vertigineux du catalogue IKEA, c’est riquiqui. A tout livre de foi sa religion. Celle d’IKEA, culte voué aux canapés Klippan et aux tables Lack, réunit de nombreux fidèles sur quatre continents. Quant aux employés de la marque, ils sont 127.000 à travers le monde.

25,2 milliards d’euros

En six ans, le chiffre d’affaires d’IKEA est passé de 14,8 milliards, en 2005, à 25,2 milliards en 2011. La firme scandinave ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Elle a confié à une société sœur, Inter IKEA, la gestion de la marque. Budget alloué: 3 % du chiffre d’affaires global, soit la bagatelle de 750 millions d’euros. Inter IKEA s’est empressé d’investir ce pactole dans l’immobilier. Ainsi, on a vu naître le projet d’une chaîne d’hôtels low-cost, dont les premiers établissements devraient ouvrir en Allemagne en 2014, avant peut-être le tour de la Belgique. IKEA a également signé un accord de principe avec le spécialiste hollandais du logement étudiant pour créer des kots à prix plancher, entièrement meublés par les articles de la marque. A nouveau, la Belgique pourrait être la prochaine sur la liste.

1943

Cette année-là, un jeune vendeur d’allumettes suédois de 17 ans, Ingvar Kamprad, crée sa propre boîte. L’investisseur en herbe la baptise IKEA, d’après ses initiales plus celles de la ferme et du village de son enfance (Elmtaryd et Aguunaryd). Il commercialise des stylos, des cadres photo, des nappes, des montres ou des bijoux. Deux maîtres mots: sobriété et prix démocratiques. Dès 1948, la société se diversifie dans la vente de meubles. Le premier catalogue IKEA voit le jour trois ans après. Soixante années passent, au cours desquelles l’entreprise grandit en même temps qu’elle définit "l’esprit IKEA". Derrière les kits de meubles aux noms bizarroïdes se cache une véritable philosophie de vie: esthétique, fonctionnalité, accessibilité, le tout au service d’une vie quotidienne meilleure.

11 hectares

Le monde selon IKEA est beau, gentil, harmonieux, écologiste et futuriste, à l’image de ce quartier utopique qui devrait bientôt pousser à Londres. C’est le projet le plus fou du géant suédois: l’acquisition de 11 hectares dans l’est de la capitale britannique pour bâtir un quartier composé de 1.200 maisons, des commerces, des bureaux, un restaurant et un hôtel. Ici, les voitures seront bannies, les habitants formeront une communauté qui produira sa propre électricité grâce à sa centrale hydroélectrique, et un système de tunnels souterrains permettra de collecter les ordures. Le chantier, qui devrait débuter l’an prochain, précédera un projet similaire à Hambourg.

300 magasins

Comme toute religion digne de ce nom, le géant suédois a une mission de rassemblement. IKEA ne s’adapte pas au monde. C’est le monde qui s’adapte à IKEA. Dans les 300 magasins répartis dans 26 pays et 4 continents, ce sont les mêmes chaises et draps de lit que l’on vend, le même labyrinthe pour se déplacer entre les rayons et les mêmes boulettes de viande que l’on grignote à la sortie. Souvent au même prix aussi. Si IKEA est synonyme de petit budget chez nous, il est ailleurs le symbole de l’accès à une classe plus aisée. En Chine, nombreux sont ceux qui viennent passer quelques heures dans les enseignes pour s’initier à la vie IKEA, parfois sans rien acheter. Somnolant sur les fauteuils encore étiquetés, ils s’imaginent appartenir à cette classe moyenne émergente dont ils ne font pas (encore) partie.

626 millions de visiteurs

Le défi du "vivre autrement" mêlé à une conformité de style, ça marche plutôt bien. En témoignent les 626 millions de visiteurs à travers le monde. Et autant de pigeons happés par ce géant qui met tout le monde d’accord à l’heure des déménagements? Peut-être bien, si l’on en croit le professeur londonien Alan Penn, qui a mené une étude sur l’architecture des magasins. IKEA s’amuse à égarer ses clients, en murant toute fenêtre vers l’extérieur pour leur faire perdre la notion du temps et les immerger dans un monde irréel, et en les forçant à suivre un chemin en zigzag qui provoque des achats compulsifs, par crainte de ne pouvoir ensuite retrouver la petite ampoule ou la jolie casserole bon marché sur laquelle ils sont tombés comme par hasard. La conclusion de l’analyse du chercheur est déroutante: à l’intérieur d’un magasin IKEA, nous nous comportons exactement comme des robots, empruntant les mêmes chemins que ces machines dénuées d’esprit. Le pire, c’est qu’on aime ça.

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