Jean-Denis Lejeune: "Je devrai vivre avec ce qu'elle va me dire"

Il a accepté de rencontrer Michelle Martin. Dix-sept ans après l'affaire Dutroux, le père de Julie est encore hanté par d'innombrables questions. Voudra-t-elle y répondre? Et pourra-t-elle l'apaiser?

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Michelle Martin veut donc vous regarder en face, ce qui est plutôt étonnant de la part d'un personnage aussi fuyant…
Jean-Denis Lejeune - J'ai réfléchi. Que me veut-elle? Que cherche-t-elle? Si elle propose le tête à tête, c'est peut-être pour me livrer enfin sa part de vérité. Au fond, Michelle Martin n'ignore aucune des questions que je me pose.

Vous pourriez encore changer d'avis et ne pas la rencontrer?
Non. Ma décision est prise. Ce ne sera pas facile… Je vais avoir en face de moi, d'après ce qu'on sait du dossier, la personne qui a laissé mourir ma fille de faim. Mais j'irai.

Avez-vous déjà croisé le regard de Michelle Martin?
Nous nous sommes déjà trouvés dans la même pièce. Mais je n'ai jamais pu croiser son regard. A chaque fois, elle gardait la tête basse.

Vous avez essayé?
Oui, j'ai tenté de la regarder. Mais elle faisait chaque fois profil bas. Ce que je peux comprendre…

Comment allez-vous vous préparer à un tel rendez-vous?
Je vais vivre normalement. Je ne vous cacherai pas que je suis un peu déstabilisé par tout ce qui se passe depuis sa libération. Disons que mes bases ont bougé… J'ai rencontré les médiateurs qui seront témoins de la rencontre. Psychologiquement, je ne sais pas comment je vais en ressortir après. Ils m'ont dit que toutes sortes de réactions étaient possibles.

Dans quelques jours, ou quelques semaines, vous pourriez en fait accéder à cette vérité que vous recherchez depuis 17 ans. Est-ce que vous osez seulement y croire?
C'est parce que j'y crois que j'y vais. Evidemment, rien ne me dit que Michelle Martin me dira la vérité. Je devrai vivre avec ce qu'elle me livrera. Et il n'y aura personne pour me confirmer que telle partie est vraie, que telle autre est fausse. Mais j'ai cette impression d'arriver peut-être en bout de processus. Et je ne voudrais pas laisser une seule porte fermée. Alors…

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Evoquerez-vous le contenu de votre rencontre avec Michelle Martin publiquement?
Je dois en discuter avec elle. Si cela constitue un frein pour elle, alors non. Mais si ça ne tenait qu'à moi, je serais d'avis de le partager au public. Si elle m'explique ce que je veux savoir, ça prouverait qu'elle a changé. Ça vaudrait la peine de le dire.

Derrière vous, c'est aussi tout un pays qui attend de savoir… Et peut-être de se réconcilier avec cette histoire. Vous êtes conscient de la portée morale de cette rencontre?
Evidemment. C'est d'ailleurs un point qu'on a abordé avec les médiateurs. Donc, oui, si c'est possible, j'informerai le public. Dans les limites de la décence, évidemment…

En parlant de limites, alors que vous faites de nouveau la une, on vous reproche d'être passé du statut de martyr à celui de people starifié par la mort de sa fille... 
Je sais. Mais je vais rappeler certaines évidences. D'abord, à choisir entre le statut de people et la perte d'un enfant… Je dois vous faire un dessin? Non, j'imagine. Ensuite, cette célébrité, je m'en serais bien passé. Aujourd'hui, je suis en permanence jugé, critiqué, évalué par des gens qui ne me connaissent pas. Apparemment,
une fois médiatisé, votre vie ne vous appartient plus…

D'accord, mais parmi les parents touchés par l'affaire Dutroux, vous êtes sans doute celui qui se sert le plus des médias…
Ecoutez, je mène ce combat depuis 17 ans. C'est la seule façon qui m'est encore donnée de remplir mon rôle de père de Julie. C'est toujours le sens de ma vie aujourd'hui.
Et oui, ce combat implique de passer par les médias. Parce qu'il faut sans cesse l'expliquer, le justifier. Alors je me sers des médias. Et je me dois de parler à tout le monde. Un journaliste veut me voir? On s'arrange. Même si parfois je suis épuisé, comme maintenant. La semaine dernière, j'ai eu des caméras dans mon salon à plusieurs reprises jusqu'à dix heures du soir. Parfois, on vient de France ou d'Allemagne pour m'interviewer. Je ne refuse presque jamais.

Cette couverture de Ciné-Télé-Revue où vous posiez avec votre nouvelle compagne, n'était-ce pas un peu too much?
D'abord, je n'ai pas demandé la couverture. Ce n'est pas comme ça que ça marche dans la presse. Et puis, ce reportage je l'ai fait pour promouvoir Objectif Ô, l'asbl dont la mission est de favoriser l'accès à l'eau potable dans les régions du monde qui en manquent cruellement. C'est une association que je préside et dont ma compagne est directrice, d'où la couverture. Tout simplement parce que je remarque que nous ne recevons des dons que quand on en parle dans la presse. On n'existe que comme cela aujourd'hui.

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Interview complète et dossier dans le Moustique du 31 octobre.

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