Joey Starr: Flic et voyou

Acteur brillant dans Polisse, le fauve se libère comme rappeur conscientisé sur "Egomaniac", son dernier album solo. Rencontre avec le nouveau Starr.

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Alors, vous vous êtes calmé?
JoeyStarr. - En passant par la case prison, je me suis rendu compte que l'incarcération n'est pas une solution pour moi. Il y a des gens chez qui ça marche. D'autres pour qui ça fait partie du cycle de vie. Dans le préau, les mecs rigolent entre eux. "T'as pris dix ans? Pff! Moi j'en ai chopé quinze." Mais moi, ça ne me faisait pas marrer, plutôt réfléchir. Quant à savoir si je me suis calmé, c'est autre chose. J'ai envie de répondre que je m'en fous. Dans la vie, on se frotte parfois avec des gens. Je ne prône pas la violence, mais je n'aime pas qu'on me marche sur les pieds. Attention, je ne suis pas en train de me faire passer pour une victime. J'ai fait une connerie, je l'ai payée. Seulement, il s'avère que ce n'est pas le citoyen Didier Morville (son vrai nom - NDLR)qui a été jugé au tribunal, c'est le rappeur JoeyStarr.

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Dans votre album, vous dites: "Résister, c'est exister". C'est toujours votre moteur?
JoeyStarr. - Je suis rentré dans la musique, à la fin des années 80, parce qu'il y avait cette envie de résister et de réagir. Chuck D (leader du groupe de hip-hop américain Public Enemy) dit que le hip-hop, c'est le CNN du ghetto. Pour moi, c'est toujours vrai. Ce disque, c'est mon carnet de bord. Tous les textes que j'écris viennent de ma curiosité du comportement humain. Le jour où je cesserai de m'intéresser aux autres, je ne ferai plus de hip-hop.

Même dans les textes qui s'en prennent à Sarkozy, on sent qu'il y a moins de provocation qu'à vos débuts. Pourquoi?
JoeyStarr. - Je fais encore preuve de virulence parce qu’il y a urgence. Et quand il y a urgence, il y a parfois de la colère. Mais j'exprime sans doute mieux les choses aujourd'hui.Avec NTM, nous étions plus dans le fond et la réaction. Aujourd’hui, je me situe davantage dans la réflexion et la forme. C'est lié à l'âge, bien sûr, mais mon incarcération m'a aussi permis de soigner les choses. D’habitude, j’arrive en studio avec deux couplets, un bâton et un pneu. Ici, j’ai eu le temps d’écrire tranquillement "Egomaniac". Je n’ai fait que ça pendant sept mois.

Quelle est la lettre ou la visite reçue à Fleury-Mérogis qui vous a le plus touché?
JoeyStarr. - Pour la lettre, désolé, je garde ça pour moi. La visite, c'est celle de ma mère bien sûr. Tu as 44 ans, ta mère vient te voir au placard. Elle pleure. Tu pleures. C'est très émouvant. Pour elle, pour toi. Tu ne fais pas le malin.

Pour évoquer votre mère, vous avez choisi d'adapter le classique Mamy Blue avec son interprète Nicoletta. Comment l'avez-vous rencontrée?
JoeyStarr. - La première fois, c'était lors de la veillée mortuaire d’un copain comédien qui s’appelait Ticky Holgado. Nicoletta a chanté Mamy Blue et tout le monde a chialé. Quand je l’ai entendue, j’ai eu le déclic d’adaptation ou de reprise. Mon père écoutait ça quand j’étais jeune. Ce morceau fait partie de notre mémoire collective. Et ça reprend la démarche de mon premier album solo "Gare au jaguar", où je citais Georges Brassens et Moustaki.

Vous êtes à l’affiche de Polisse. Incarner un flic à l’écran, ça vous a aidé à comprendre le côté humain chez les policiers?
JoeyStarr. - J'ai rencontré des vrais flics qui bossent à la brigade des mineurs. Ce ne sont pas des cow-boys. Quand tu acceptes ce poste, où tu sais que tu vas devoir être confronté à des drames humains et à des affaires de pédophilie, ce n'est pas anodin ou encore moins carriériste comme décision. Ces mecs-là, ils sont le pouls du peuple au même titre que les pompiers qui vont ramasser des gens à moitié découpés sur les routes. Si je devais réécrire le morceau Police qu'on a fait avec NTM en 1993, j'en tiendrais compte. À l'époque, on voulait s'en prendre à l'uniforme, pas à l'individu.

Le 18/11 au Botanique.

JoeyStarr
Egomaniac
Sony Music

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