
Kill List

Tourné avec deux francs six sous, et mis en boîte en trois semaines à peine, Kill List commence comme un Ken Loach, en pleine crise de couple autour de factures impayées et d’un jacuzzi dont le robinet attend depuis plusieurs mois d’être réparé. Nous sommes dans une maison banale de la middle class, le ciel est plombé et la caméra nerveuse de Wheatley convoque le spectre tenaillant de la crise financière. Bref, apparemment rien de neuf sous le ciel gris anglais.
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Mais alors que le spectateur se sent en sécurité ("je suis dans un drame social anglais, je sais à quoi m’attendre"), Wheatley, qui vient de la télé britannique, s’amuse à le fragiliser, le décontenancer. Le drame social s’altérant et se contaminant doucement en un thriller parano. La description réaliste du couple qui se délite fait place en effet à l’occupation principale du mari, sérieusement agité sous son crâne. Ancien soldat, Jay est aujourd’hui un tueur à gages obligé de reprendre du service pour réparer ce fichu jacuzzi et payer les traites de la maison.
Deuxième acte: on suit l’équipée meurtrière menée par Jay et son meilleur pote, Gal. C’est ici que Wheatley tourne un tour d’écrou supplémentaire.
Car ce film déjanté tient quasi tout entier de sa suffocante mise en scène, qui distille des infos au compte-goutte, se plaît à nous perdre et nous entraîne dans ce qui ressemble de plus en plus à un cauchemar sans nom.
Le cinéaste revisite de fond en comble le genre horrifique, revitalisant la série B avec une rage et une tension extrêmes: du non-dit à l’explosion fulgurante de scènes gore pas piquées des hannetons, pas un instant cette atmosphère oppressante ne se relâche.
Et peu importe, au fond, que le réalisateur semble expédier le dernier tiers de son film à vau-l’eau dans un finale grand-guignolesque et absolument invraisemblable. Le but est atteint: on flippe. On flippe même gravement, tout en se disant qu’on vient assurément d’avoir affaire à un nouveau maître de l’horreur.
Kill List
Réalisé par Ben Wheatley. Avec Neil Maskell, Michael Smiley, Myanna Buring - 95’.