
La bière maison: une affaire qui mousse

Les murs d’un vert éclatant rappellent une teinte houblonnée. Agglutinés autour de deux énormes marmites de 36 litres remplies de malt (orge germé et séché) et d’eau chauffée à 68 degrés, les élèves de NovaBirra se relaient pour mélanger constamment le brassin. Le muscle fatigué, ils se passent à tour de rôle la gigantesque cuillère en bois: "Impossible de faire ça seul,explique Stéphane Kirsch, 24 ans, qui a reçu cette formation en cadeau de sa petite copine. C’est compliqué de manipuler tout ce matériel.
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Dans ses petits locaux de Braine-l’Alleud, Emanuele Corazzini transmet une fois par mois son savoir à des amateurs durant tout un week-end: "L’agenda n’a pas trop de mal à se remplir, se réjouit-il. Au départ, je formais surtout des étrangers désireux d’apprendre un art qui reste quand même une vitrine de la belgitude. Ça ne fait que deux ans que les Belges s’inscrivent également, comme s’ils comprenaient enfin qu’ils peuvent boire une bière maison, que la bière industrielle n’est pas une fatalité".
Depuis 2012, une vague de malt semble en effet déferler sur tout le pays. Les ateliers brassicoles amateurs se multiplient dans les caves, les cuisines et même les salles de bains. Un serpentin refroidisseur en cuivre traîne ici, une cuve de filtration bloque le passage là. Faire sa propre bière, c’est désormais tendance. Pour certains, c’est une manière de marquer son désaccord avec la mondialisation des géants de la bière. Pour d’autres, une forme agréable de retour à la terre, une lame de fond très à la mode parmi les jeunes générations.
C'est moi qui l'ai fait
"Il y a vraiment un retour marqué du Do It Yourself dans la population , commente le responsable de NovaBirra. Les gens veulent reprendre le contrôle de leur consommation en cultivant un potager ou en brassant leur propre bière». Cet esprit d’indépendance, de prise de pouvoir à petite échelle, Emanuele Corazzini a pu l’admirer lorsqu’il vécut six ans aux États-Unis. Le phénomène du "homebrewing" y a littéralement explosé depuis la fin du millénaire: "Il n’y a pas une seule ville où au moins un bar, un pub ou un petit restaurant ne brasse pas sa propre bière".
Début du XXe siècle, plus de 3.000 brasseries florissaient en Belgique de la Côte à la Gaume. Elles ont disparu petit à petit, cédant le relais aux grands groupes brassicoles. De retour dans son Brabant wallon natal, Emanuele Corazzini ne pouvait accepter ce constat. "Je ne comprenais pas pourquoi le pays de la bière par excellence présentait si peu d’initiatives privées alors que nous avons tout à disposition." Porté par le dynamisme made in USA, le jeune quadra lance son centre de formation NovaBirra en 2009, avant même d’avoir commencé à produire sa propre recette de bière. Il est alors uniquement armé d’une expérience du brassage acquise dans la banlieue new-yorkaise et auprès de petits producteurs belges rencontrés çà et là.
Coup de chance ou nez fin, l’intérêt du public ne cesse de grandir depuis. Ce phénomène prend de telles proportions que les centres IFAPME de Villers-le-Bouillet (en 2011) et de Tournai (en 2013) ouvrent une formation de deux ans pour devenir chef d’entreprise en microbrasserie, homologuée par la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Un jeu d’enfant?
Pourtant, les amateurs dûment formés restent minoritaires. Les autodidactes trouvent tout sur de nombreux forums. Les apprentis brasseurs y appellent souvent à l’aide. "J’ai commencé à brasser et créé mon blog en même temps, confie Olivier Gilliaux qui a lancé en 2011 le site commentfairesabière.com. "Les lecteurs peuvent y constater mes erreurs et donc, éviter les même déconvenues." Car derrière les effets d’annonce des revendeurs de matériel, le découragement pointe.
"La plupart des gens démarrent avec un petit kit de base qui reste une bonne entrée en matière. Mais mettre au point sa propre bière n’est pas si facile. Le particulier s’en rend vite compte . Ça prend un temps fou! Je suis médecin et je n’ai déjà pas énormément de temps pour moi, regrette Olivier Gilliaux qui aimerait brasser bien plus souvent. Or, quand je m’y mets, toutes les étapes du brassage proprement dit m’occupent une journée entière." Et ce n’est qu’un début: la fermentation prend plusieurs semaines, la maturation en bouteille dure plusieurs mois. Deux étapes qui peuvent mettre les nerfs en pelote pour un résultat parfois très frustrant: la moindre négligence en termes d’hygiène débouchera sur une bière au goût proche du cidre, voire du vinaigre.
Retrouvez le texte intégral dans le Moustique du 13 janvier 2015 mais aussi toutes les étapes pour brasser sa propre bière de A à Z et l'expérience de la "bière Moustique".
> Pour aller plus loin:
www.novabirra.com, https://commentfairesabiere.com et www.brassageamateur.com