La vie sans sexe

Beaucoup d'hommes et de femmes vivent sans la moindre relation charnelle. Certains par contrainte. D’autres par choix. Qui sont ces abstinents? Et comment se portent-ils?

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On les appelle les "désabusés de l'amour" ou parfois les "anorexiques du sexe". Leur particularité? Ces hommes et ces femmes ne font pas l'amour. Ou peut-être ne le font-ils plus… Pourquoi? Les témoignages sont difficiles à recueillir. Il faut dire que l'abstinence sexuelle place ceux et celles qui la pratiquent en marge d'une société littéralement obsédée par l'assouvissement de ses désirs.

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Voyez les films, les chansons, les magazines, les références au sexe foisonnent. Dans la publicité aussi! Qu'il s'agisse de vendre des voitures, de la lessive ou de l'alimentaire, les ficelles sont les mêmes avec des filles au regard lubrique et des mecs sculpturaux et pourtant incapables d'ouvrir une boîte de coca sans s'inonder la chemise. Dans un monde aussi "sexué", l'abstinence prend facilement une connotation suspecte. C'est d'ailleurs ce qui exaspère ceux et celles qui militent au sein de groupements comme l'AVA, l’association pour la visibilité asexuelle. Ses membres demandent aussi qu'on ajoute une lettre aux fameuses initiales LBGT pour lesbiennes, bi, gays, transgenres: un "A" comme asexuel!

Double Income, No Sex

Quelle part de la société ces abstinents représentent-ils? Il n'existe évidemment aucune statistique précise mais si l'on retient comme critère le fait de ne pas avoir fait l'amour au cours des six derniers mois - celui choisi par le journaliste David Fontaine dans son enquête No Sex Last Year (éd. Les Petits Matins) -, on s'apercevra avec surprise que cela concerne près de la moitié de la population.

Faites le calcul… Commencez par exclure les enfants prépubères et toutes les personnes à l'autre extrême de la vie qui ont abandonné les plaisirs de la chair - cela fait déjà du monde! Enlevez également tous les individus seuls, malades, dépressifs, refoulés, traumatisés, phobiques: les raisons ne manquent pas pour mettre leur vie amoureuse entre parenthèses. Comptez aussi les abstinents par choix. On pense aux religieux qui font vœu de chasteté ou aux jeunes gens qui entendent préserver leur virginité jusqu'au jour du mariage. Une démarche un peu passée de mode dans la culture occidentale mais qui reste encore très prégnante dans d'autres communautés. À ce chiffre, ajoutez enfin - surtout! - tous ceux dont la vie sexuelle est au point mort, non pas par conviction mais parce qu’ils se sentent blasés, déçus ou simplement fatigués à l'idée de devoir se lancer dans des stratégies de conquête.

Dans le lot, on trouve évidemment des personnes complexées. Mais pas seulement… On peut aussi vivre de façon parfaitement épanouie, garder intact son pouvoir de séduction et néanmoins opter pour les principes d'une vie monacale au lit. Chose curieuse: l’absence de sexe touche aussi des couples où chacun s'investit tellement dans sa vie professionnelle qu'il ne reste plus de place pour l'intimité. Aux États-Unis, on désigne parfois ces couples sous les initiales "DINS" pour "Double Income, No Sex" que l'on pourrait traduire par "Deux sources de revenus, pas de vie sexuelle".

Est-ce grave, docteur?

Du point de vue de la santé, on peut évidemment vivre sans faire l'amour et ne pas s'en porter plus mal. Ceux qui font cette expérience constatent en général un lent recul de la libido au fil des années. De ce point de vue, la sexualité n'est pas très différente des autres fonctions de l'organisme qui régressent dès qu'on cesse de les solliciter.

Donc, faire une croix sur le sexe, pourquoi pas, à condition que ce désinvestissement ne s'accompagne pas d'un dédain plus général pour tout ce qui concerne sa propre santé. Et de ne pas renoncer aux autres occasions de contacts corporels via des activités comme la danse, le sport ou les massages. Des gymnastiques de type yoga permettent de découvrir en soi des ressources souvent insoupçonnées. Il arrive même que ces exercices réveillent des émois que l'on croyait perdus. La vie n'est pas avare d'expériences étonnantes. Il suffit de leur laisser la place.

 

La suite de notre dossier dans le Moustique du 6 août 2014

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