
La Vierge de Jalhay - Seuls dans la lumière

Nadia, regard rouge, cernes saillants, allume une L&M, la troisième en une demi-heure. Assise à la table ronde de sa cuisine, les doigts glissant au hasard vers le cendrier, elle regarde celle qui l'a projetée, en l'espace de trois jours, de la pénombre la plus complète vers une exposition médiatique qui, désormais, la dépasse. Dans sa ligne de mire, donc, cette fameuse statue de la Vierge. Du haut de ses quarante centimètres, elle penche un peu la tête vers le bas, droit sur ses pieds que des centaines de personnes ont touchés depuis mardi dernier. Ses lèvres sont légèrement teintées de rouge, sa figure marquée par quelques coups et un étrange air mélancolique. Gravée sur son socle, sa provenance: "Banneux". Comme le village du même nom, près de Sprimont, où la Vierge serait apparue plusieurs fois à une jeune fille en 1933.
La lecture de votre article continue ci-dessous
Depuis plus de quinze ans, la statuette était posée dans la cuisine de Nadia et son mari, Daniel, sans se faire remarquer. Et puis, le 17 janvier dernier, voilà que le "phénomène" se déclenche. La nuit, le couple constate que la statue s'illumine. Au premier coup, Daniel, 76 ans, "prend peur". "Le lendemain, on a attendu d'abord que l'événement se reproduise. Ce fut le cas." Après quatre jours, ils appellent une connaissance, pour qu'elle vienne prendre une photo avec son smartphone. Mais la photo était noire.Assez de raisons pour appeler le curé du coin. "Je ne voulais pas que cela se médiatise" , insiste Nadia. Un énième coup de fil l'interrompt. Un samedi chargé s'annonce. "Ça n'arrête plus, vous voyez. Ça, ça doit être la Bretagne." Daniel décroche. Son accent français rappelle un peu celui de Jean-Pierre Mocky. "Hier, on a eu 800 personnes devant la maison pour venir voir la statue. La police est présente tous les soirs, la commune a installé des barrières Nadar sur le trottoir. Non, je ne peux plus sortir de la maison. Cela devient épuisant. La Vierge? Certains disent qu'elle est trafiquée. Mais nous, on l'a depuis plus de quinze ans, et on n'a jamais rien vu avant. La semaine prochaine, je vais découper tous les articles qu'il y a dans le journal."
Notre reportage à Jalhay dans le Moustique du 19 mars 2014