Le coup de gueule: Mettre enfin les banques au pas

Les bonus que Dexia, renfloué par les contribuables, a octroyés à ses cadres le prouve: le secteur n'a toujours pas tiré les leçons de la crise bancaire. Un député écolo dénonce. Et propose un autre monde financier.

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Le frondeur
Georges Gilkinet, Ecolo, est député fédéral et membre de la Commission Finances. Dans son collimateur: les mauvaises mœurs bancaires.

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Technicien, bûcheur, opposant farouche à l’ex-ministre des Finances Didier Reynders (souvent très agacé par ses questions et argumentaires implacables), le député Ecolo Georges Gilkinet n’a peur de rien. Et certainement pas de rêver d’une autre finance, belge et mondiale. La commission spéciale Dexia lui en donne l’occasion. Suite à l'affaire des bonus - de 2.500 à 45.000 euros récemment octroyés par Dexia à ses employés et cadres - qu'il a dénoncée, Gilkinet persiste, signe et remet une couche.

A la Commission Finances à la Chambre, comment se passent les travaux sur Dexia?
Georges Gilkinet - Je suis optimiste. Depuis presque deux mois on auditionne, on demande des documents. Que parfois on obtient (sic)... On travaille aussi en posant des hypothèses. Certains acteurs comme Pierre Mariani ou Jean-Luc Dehaene, ex-hommes forts de la banque, ont joué le jeu de répondre aux questions sans se cantonner à leur texte préécrit. Bravo à eux, c’est classe! Pour le reste, j’ai bon espoir d’arriver à des conclusions ambitieuses d’ici février.

Des conclusions "ambitieuses", c'est-à-dire?
Par exemple sur les mandats qu’on confie aux représentants de l’Etat. Ils sont les représentants de dix millions de personnes. Mais pour faire quoi? Jean-Luc Dehaene a été appelé à la rescousse de Dexia en pleine nuit. Mais lui a-t-on vraiment dit ce qu’on attendait de lui? En fait, il s’avère que non…
Moi je voudrais que les banques d’Etat soient des modèles: en termes d’emploi, de salaires, de primes, de régulation, etc. Mais aussi des modèles de prudence sur les marchés et de soutien à l’économie réelle.

Elles se feront manger toutes crues! Les clients veulent que leur banque leur rapporte. C’est logique d’ailleurs.
Allons! Les citoyens pourraient être séduits par des banques citoyennes, non? Certaines développent ce côté comme Triodos ou le Crédit Agricole. Quelle est la part de marketing là-derrière? Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est qu’il existe un marché citoyen. Tout le monde devrait pouvoir interroger son banquier et lui dire "que faites-vous avec mon argent, que j’ai eu tant de mal à vous confier?". Je crois qu’une autre finance est possible!

Possible... Vraiment?
Evidemment! Le métier de banquier est utile: il récolte et redistribue les richesses. Le hic, c’est qu’aujourd’hui la finance n’est qu’à son propre service, et qu’elle se cache derrière des règles tellement techniques que les techniciens eux-même s’y perdent. Business as usual, to big to fail… Ben si, "we have failed" ("on est trop gros pour chuter… mais nous avons chuté!" - NDLR). Voyez les successions de crises depuis 2008, je me demande vraiment ce qu’il leur faut pour comprendre!

Vous êtes dur avec les banquiers...
Pas uniquement avec eux. D’ailleurs je n’exonère pas l’Etat de la responsabilité qui est la sienne. Le gouvernement doit garantir la sécurité et la prospérité de chacun. Si lui ne le fait pas au moment où les gens comptent chaque euro au supermarché, qui le fera? Dites-moi, qui? Il y a trop d’arrogance dans le milieu de la finance. Si vous voyiez certains banquiers qu’on interroge en Commission du Parlement! C’est tout juste s’ils ne nous envoient pas promener. A les voir, on devrait s’excuser de faire notre travail qui est de représenter dix millions de personnes. Quelle arrogance, quelle inversion des rôles!

Un discours à gauche toute!
C’est votre analyse. Moi je dis simplement que l’Etat donne des garanties au secteur bancaire et financier mais qu’il doit aussi être garant de l’intérêt du public, fixer des règles. Ses règles en fait, en fonction de ses valeurs et du bien-être de ceux qu’il doit protéger. Aujourd’hui, dans les banques et la finance on inverse le processus: les financiers dictent aux Etats leur conduite. Quand je vois l’austérité qui nous est imposée, je songe à une métaphore: celle d’un médecin qui n’a pas su diagnostiquer votre cancer et qui vous dirait "revenez chez moi, je vais vous soigner en vous saignant à blanc". Vous le feriez, vous?

[...]

Parlons des bonus, des salaires. Ils sont souvent disproportionnés, faramineux et cela choque du monde.
A commencer par moi!

Oui. Mais faites-vous le lien entre ces bonus et les pertes financières des banques?
Oui…

… Comment? Les bonus d’un Mariani à Dexia ou d’un Lippens avant la chute de Fortis ne représentent qu’une infime partie du budget de ces groupes! Et même quand Dexia attribue à son personnel des bonus de motivation (de 2.500 à 45.000 euros brut)...
D’abord, ça ne concerne pas que quelques personnes, mais tout le Bel20. Certes, à l’échelle de groupes comme Belgacom ou Dexia, n'importe quel bonus peut paraître minime mais les plus élevés accordés aujourd’hui ont pour effet de couper tout le lien social. Franchement, comment voulez-vous que quelqu’un reste connecté à la réalité de son personnel, aux objectifs qu’il lui fixe quand il gagne en une année de quoi ne plus travailler de toute sa vie? Vous pensez franchement que ces patrons qui prennent des millions en quelques années savent encore comment un enseignant, une infirmière ou un plombier calcule son budget mensuel ou le crédit de sa maison, en tenant compte de la voiture ou des études des mômes à financer? Moi pas.

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