Le temps des arnaques

La crise favorise escroqueries et autres pratiques commerciales mensongères. Le pire, c'est que toutes ne sont pas illégales. Gare aux fausses bonnes affaires…

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Il y en a pour tous les goûts et pour toutes les bourses. Il peut s'agir de magasins hard discount qui vous invitent à arpenter leurs rayons en vous appâtant avec de fausses promotions. Comme elles s'avèrent absentes de leurs magasins, les enseignes espèrent que vous serez tenté d'acheter l'équivalent plus cher. Comme Lidl, qui a déjà écopé en Belgique d'une condamnation en justice. Il peut s'agir aussi de margoulins qui profitent de l'engouement actuel pour revendre du toc au prix de l'or. Les arnaques de ce type font actuellement fureur en Espagne et on craint qu'elles ne s'exportent bientôt chez nous.

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Arnaques sur le prix, sur le produit… Habituellement, les consommateurs les plus précarisés - parce qu'ils cherchent désespérément à faire des économies - sont les premières victimes de l'escroquerie. Mais en période de crise, tout le monde surveille les cordons de sa bourse. Voici quatre exemples, parmi tant d'autres, des pièges à éviter dans la chasse aux bonnes affaires. Certaines sont facilement repérables, pourvu qu'on ait l'esprit alerte. D'autres se décèlent moins facilement car elles ne sont pas à proprement parler illégales.

Le déstockage, marché de dupes

Emilie est fan de fringues. Ses armoires et celles de ses enfants en sont remplies. Et comme Emilie a un penchant pour les marques, et un budget non extensible, cette maman de 36 ans cible les bonnes affaires. Mais pas uniquement en janvier ou avant l’été. Plusieurs fois par mois, cette Bruxelloise visite des magasins de déstockage ou des ventes privées où l’on trouve des vêtements de marque neufs jusqu’à 70 % moins chers que dans les magasins classiques. "Ça me permet d’avoir le choix quand je m’habille le matin", sourit-elle.

Emilie, c’est un peu Lila dans l’enquête diffusée ce mercredi 14 septembre dans Questions à la une. Cette Parisienne est elle aussi adepte du déstockage. Comme huit millions de Français, elle a pu, grâce à cela, garnir sa garde-robe d’articles griffés à prix réduits. Mais ces clients font-ils réellement de bonnes affaires? Les ventes de ce type ont littéralement explosé ces cinq dernières années. En France, ce marché représente trois milliards d’euros par an. La crise n’y est sans doute pas pour rien. Sauf qu'il s’agirait plutôt d’un marché de dupes, organisé par certaines marques elles-mêmes pour gagner de nouveaux clients, ceux qui n’auraient pas les moyens de s’offrir une veste, une robe ou un jeans Calvin Klein, Trussardi, Max Mara ou Napapijri.

Le test de la balance ne trompe pas: entre ce polo Ralph Lauren vendu en boutique à 95 euros et le même - a priori - vendu à 59 euros, il y a une différence de 50 grammes. "Ces 25 % de tissu en moins représentent une économie de coût de production", commente le patron de l’enseigne chic où se rendent les journalistes français. Plutôt que de ristourne, il faudrait donc plutôt parler de juste prix. Car un article soldé émane en principe d’une précédente collection et se vend au rabais pour faire place à la nouvelle saison. "C’est un signe des temps", déclare ce commerçant resté anonyme pour ne pas déplaire à la marque. Les gens n’achètent pas le polo mais la griffe. Je consomme, donc j’existe.

Pâles copies…

Le principe du déstockage n'échappe pas non plus à une certaine forme de "contrefaçon". Sauf que les marques, à leur manière, l'organisent elles-mêmes. De pâles copies? Pas vraiment. L’enquêtrice s’est rendue en Italie, chez un grossiste florentin spécialisé. Elle s’est fait passer pour la responsable d’une boutique discount. Le grossiste travaille avec des sites tels que vente-privee.com ou showroomprive.com, spécialisés dans les ventes de marques à prix bradés. "Nous achetons les surplus des magasins mais nous avons également notre production spéciale, déclare le patron italien. Parfois, on change juste une doublure, les clients ne voient pas la différence." Sur les 5 milliards de dollars de chiffre d’affaires de Ralph Lauren, entre 40 et 50 % proviennent du déstockage…

En Belgique, les grands noms de la solderie s’appellent Caméléon, Dod et bien sûr Maasmechelen Shopping Village où plus de 95 boutiques proposent des dizaines de marques belges et internationales dans une ambiance familiale. À l’automne 2010, Bradexpo, le salon du déstockage, a rassemblé les foules sur le site de Tour & Taxis à Bruxelles. Les déstockeurs assurent ne pas rouler leurs clients, et expliquent leurs petits prix par l’absence d’intermédiaire entre l’usine et le client. "Nous travaillons directement avec les marques ou avec les détenteurs de licence", explique-t-on chez Caméléon, trois comptoirs en Belgique, 350.000 membres, 1,8 million d’articles et un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros par an. "Nous rachetons les produits des collections précédentes. La qualité est donc la même. Le faux est répréhensible, nous faisons très attention à cela!"

… Et vrais faux

Elisa, 28 ans, connaît bien le milieu des ventes privées en Belgique. Elle y a travaillé plusieurs mois comme vendeuse à Bruxelles. Les clients, parrainés par d’autres, étaient sollicités par e-mail. "Dès l’annonce d’une nouvelle collection, il y avait des files devant la porte." Il est vrai que le lieu avait de quoi séduire: des articles Trussardi, Calvin Klein, Diesel ou Levi’s à prix plancher, souvent à moins de cinq euros… "Les nouvelles collections étaient à 3 €, les anciennes à 1 €, poursuit Elisa. Les clients étaient super-contents. Mais moi, tout ce que j’ai acheté là bas, en fait, je ne le mets pas." C'est que les prix au rabais poussent parfois aux achats compulsifs. Emilie aussi en sait quelque chose. "Il m'est arrivé d'acheter quatre t-shirts identiques tellement ils étaient bon marché. Et je ne les porte jamais."

En outre, même griffés, ces fringues à prix cassés n’affichent pas toujours la qualité qu’on attendrait d’une marque. "Il y avait là des modèles Levi’s jamais vus ailleurs, même les clients rigolaient!, poursuit Elisa. On aurait dit des pantalons pour extraterrestres. Et puis les tailles étaient fausses: normalement je fais du 25, là, je faisais du 27." Elisa n’est pas dupe: au milieu des articles de moins bonne qualité produits par les marques, il y aurait également des faux. De vrais faux, cette fois: "J’ai vu des caisses d’étiquettes de marques, des caisses et des caisses! Ça m’a choquée. On m’a dit que de toute façon les contrôles sont rares, à moins d’être dénoncé". Vendre des contrefaçons est illégal. Mais lorsque les marques elles-mêmes trompent leurs clients, on ne peut légalement les attaquer. C’est au consommateur de se renseigner et de comparer… Un petit truc en passant: dans une solderie, si vous repérez un modèle disponible dans toutes les tailles et toutes les couleurs, passez votre chemin.

Mercredi 14 La Une 20h25: Questions à la une. Déstockage: comment les marques nous arnaquent?

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