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C'était grisant d'être l'homme politique le plus populaire du pays?
Marc Verwilghen - C'est un sentiment assez curieux. Je n'avais pas demandé cette popularité, ce sont les circonstances de l'époque qui ont entraîné cela. Il y avait des côtés très amusants. Mais, en même temps, c'était assez dur car il n'y a plus moyen d'être anonyme.
Vous aviez déclaré, plusieurs fois, être déterminé à aller jusqu'au bout de l'enquête…
Dans la première partie de nos travaux, qui s'est clôturée par un rapport à Pâques 1997, la commission jouissait d'une certaine liberté. Encore aujourd'hui, les commissaires regardent ce travail avec satisfaction. Par contre, la deuxième partie, des grandes vacances 2007 à mars 2008, a été très difficile. Probablement parce que le travail que nous voulions effectuer touchait de trop près au dossier judiciaire. Alors qu'auparavant nous étions soutenus à la fois par les milieux politiques et judiciaires, ce n'était plus du tout le cas. On nous a rendu le travail impossible.
Qui, "on"?
Lors de la première partie de la commission, on travaillait toujours avec le même magistrat, Etienne Marique (alors conseiller à la cour d'appel de Bruxelles et enquêteur attitré de la commission Dutroux - NDLR). Puis, il y a eu des changements et c'est devenu plus difficile. Le juge d'instruction Jacques Langlois estimait, à juste titre, que le parlement ne devait pas interférer dans son enquête. Les éléments nécessaires à notre travail ne nous parvenaient plus comme auparavant.
Votre travail dérangeait?
Nous avions dit que s'il y avait des éléments qui permettaient d'aller plus loin dans l'enquête, il fallait le faire. Et nous avons constaté la divergence d'opinion entre Michel Bourlet, le procureur du Roi de Neufchâteau, et le juge d'instruction Langlois. Le dossier a alors été saucissonné entre ce qui était l'affaire stricte et tout ce qui était considéré comme périphérique. Tous ceux qui ont eux accès au dossier sont d'avis qu'on a noyé le poisson.
Donc, on n'a pas été jusqu'au bout?
À un moment, une limite a été mise à l'instruction. La crainte était, peut-être, que les affaires périphériques mènent l'enquête dans un écheveau qu'on aurait mis trop de temps à démêler. C'est un choix qui a été posé. Etait-ce le bon? Je ne sais pas. Moi, j'ai juste constaté que si ça ne dépendait que de M. Bourlet, il aurait continué parce qu'il avait, apparemment, des éléments qui lui permettaient de creuser plus en profondeur certaines pistes. Tout le monde n'était pas de cet avis. Conclusion: on ne saura jamais si on a vraiment été jusqu'au bout.
L'enquête sur le dossier "bis" a tout de même continué…
D'après ce que j'ai lu et entendu, j'ai tout de même l'impression qu'il n'y a pas eu une réelle volonté de faire des efforts. Une fois Marc Dutroux jugé, pour certains, il fallait tourner la page.
Avez-vous encore des contacts avec les parents des victimes?
Non. J'en ai eu comme président de la commission d'enquête et comme ministre de la Justice. Parce qu'on devait revoir la position de la victime, et ses proches, lors d'un procès. D'ailleurs, la loi Franchimont a permis de progresser à ce niveau, même s'il y a encore beaucoup de problèmes aujourd'hui comme je peux le constater dans mon travail quotidien.
Vous êtes considéré comme un des plus mauvais ministres de la Justice que notre pays ait connu. C'est facile à vivre?
L'opposition sur le plan judiciaire était normale: il y aura toujours une tension entre les pouvoirs. Je peux vivre avec cela. Par contre, sur le plan politique, certains se disaient: "Il a déjà marqué assez de buts, maintenant c'est fini". Et quand un Elio Di Rupo vient déclarer sur les plateaux de télévision: "C'est le plus mauvais ministre de la Justice qu'on a connu depuis 25 ans", on est vraiment dans l'aspect le plus minable de la politique.
Vous êtes-vous demandé quel aurait été votre parcours sans l'affaire Dutroux?
Oui, naturellement. Je ne serais sans doute pas devenu ministre mais aurais-je été satisfait? Je peux juste vous dire que je ne suis jamais allé une seule fois contre mon gré à Bruxelles. Si c'était à refaire, je recommencerais probablement en essayant d'éviter certaines erreurs.
Vous avez complètement quitté la scène politique? Vous n'êtes même plus conseiller communal à Knokke?
Je suis toujours affilié au VLD mais je n'occupe plus de fonction politique depuis 2008.
Ça ne vous manque pas?
Non, pas du tout. Au contraire! Assez rapidement, j'ai retrouvé un équilibre professionnel grâce à la profession d'avocat que j'exerçais déjà avant mon entrée en politique.
Finalement, étiez-vous fait pour être ministre?
Très bonne question (rire). Un aîné en politique avait jugé que j'avais fait du bon travail avec la commission mais m'avait prévenu: "N'entre pas dans un gouvernement, parce qu'ils te présenteront l'addition". Il avait vu juste.