Michelle Martin: Une libération, 10 questions

La future libération de la complice de Marc Dutroux a scandalisé de nombreux Belges. Justice, politiques et Église sont sur la sellette. Cinq jours après les manifestations de Malonne, retour sur une décision qui suscite de nombreuses questions, aux réponses pas forcément satisfaisantes.

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Quelle sera la vie de Michelle Martin au monastère de Malonne?

Si Michelle Martin sort de prison, elle ne retrouvera pas pour autant la liberté complète. Durant ses premiers mois, voire ses premières années à Malonne, elle séjournera cloîtrée, loin de la population, dans le monastère occupé par une quinzaine de sœurs. Tout au plus recevra-t-elle la visite occasionnelle de ses trois enfants: Frédéric, Andy, Céline. Soumise à l'autorité des clarisses, dont la plupart ont atteint un âge canonique, elle logera dans leur ancienne infirmerie reconvertie pour l'occasion en petit appartement avec chambre, bureau, kitchenette et salle de séjour. Cette partie, à l'écart, possède sa propre entrée et garantit que l'ex-femme de Marc Dutroux ne croisera pas les autres hôtes des sœurs (touristes, enseignants en retraite, jeunes en plein blocus…) installés dans les douze chambres de la maison attenante au monastère.

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Paraît-il pieuse, Michelle Martin ne se fondra pas pour autant dans la communauté religieuse. Elle la côtoiera en lui rendant des services, à raison de quatre heures par jour, cinq jours par semaine, en échange du gîte et du couvert. Habile cuisinière, elle devrait se retrouver aux fourneaux. Elle sera également chargée de tâches ménagères, de jardinage et, peut-être, de soutien administratif. Elle a, en outre, proposé son aide pour préparer les colis alimentaires que les clarisses destinent aux plus démunis.

Quelles conditions lui sont imposées?

En plus des conditions imposées à tout condamné bénéficiant d'une libération conditionnelle - disposer d'une adresse fixe, ne commettre aucune infraction, donner suite aux convocations du parquet et des autorités de guidance… - Michelle Martin ne pourra pas entrer en contact avec les médias, ses victimes et ses complices. En outre, elle sera obligée de se soumettre à un suivi psychologique. Et il lui sera interdit de se rendre dans les provinces de Liège et du Limbourg où résident certaines des victimes et leurs familles. Ces dernières, elle doit "continuer" à les indemniser. Continuer? "Mais elle n'a jamais commencé, s'étonne Georges-Henri Beauthier, défenseur de Jean-Denis Lejeune et de Laetitia Delhez. Mes clients n'ont jamais reçu un franc, tout comme les parents de An et Eefje. C'est choquant!"

Thierry Moreau, avocat de Martin, assure pourtant avoir ouvert un compte que sa cliente alimente pour les dédommagements… Une seule certitude: le travail de Michelle Martin au monastère des clarisses ne servira qu'à assurer son toit et ses repas. "Pour moi, c'est la définition même du travail au noir," assène Georges-Henri Beauthier qui envisage de se retourner contre les sœurs pour obtenir le début d'indemnisation tant attendu. L'assistante de justice chargée du respect de toutes les conditions de la libération devra suivre cette question financière de près. Elle rendra visite tous les mois à la condamnée. Ces rencontres s'espaceront avec le temps pour s'éteindre d'ici une dizaine d'années.

Pourquoi les religieuses l'accueillent-elles?

Appartenant à la grande famille des franciscains, les sœurs clarisses de Malonne consacrent leur vie à la contemplation et ont pour vocation d'accueillir les âmes perdues. Mais en ouvrant leur monastère à Michelle Martin, elles suscitent la colère d'une grande partie de la population. Et pour cause: sans leur aide, l'ex-épouse de Marc Dutroux n'aurait jamais pu convaincre le tribunal d'application des peines de lui accorder la sortie de prison. Ses quatre demandes précédentes d'accueil, dont celle introduite l'an dernier auprès des sœurs dominicaines de Béthanie en France, ont échoué. "Les Clarisses, que les avocats de Mme Martin ont sollicitées il y a longtemps déjà, ont constaté ces échecs répétés et se sont rendues à l'évidence, explique Tommy Scholtes, porte-parole des évêques de Belgique. Elle constituaient l'ultime recours. Sans cette main tendue, Michelle Martin aurait été condamnée à une mort civile certaine".

Comme elles l'ont écrit dans un communiqué à la presse, les sœurs ont longtemps mûri leur décision en toute indépendance et conclu que "personne n'y gagnerait dans notre société si on laissait la violence répondre à la violence et faire ainsi boule de neige. Nous avons la profonde conviction qu'enfermer définitivement le déviant dans son passé délictueux et l'acculer à la désespérance serait une marche en arrière pour notre société". Les sœurs s'inscrivent ainsi dans la droite ligne de l'Église catholique. "Même si cela peut paraître scandaleux, le pardon est au centre de la foi chrétienne, rappelle Alphonse Borras, professeur de droit canon à l'UCL. Mais ce pardon ne peut être invoqué que si le pécheur s'engage à se repentir, à s'amender". C'est dans la même logique que d'autres monastères et abbayes accueillent régulièrement des délinquants en fin de peine. Combien exactement? C'est un mystère que tiennent à préserver les hôtes et leur hiérarchie. Pour autant, il ne convient pas de fantasmer: le nombre de cas en Belgique rest très limité.

[...]

Dossier complet dans le Moustique du 8 août.

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