
Notre offre exclusive: « Les garçons et Guillaume, à table ! » en DVD

A la sortie du film en novembre dernier, Moustique avait rencontré Guillaume Galienne , ce doux dingue qui monte, le grand bébé bouclé qui débarquait avec un film à son image. (Re)découvrez cette rencontre…
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Le pitch
Tout a commencé par cette phrase ambiguë de sa mère: “Les garçons et Guillaume, à table!” Depuis, Guillaume pense qu’il n’est pas un garçon. Autre chose, quoi. Une fille, peut-être? Et il passe son temps à imiter cette maman si dure et tant adorée, qu’il joue à la perfection, au point de surprendre son père à poil dans la salle de bains, qui se dit que non, ce n’est pas possible, cet olibrius qui s’habille en archiduchesse ne peut décidément pas être son fils. Alors, pour l’endurcir un peu, il l’envoie dans une pension en Angleterre. C’est le début pour Guillaume d’un parcours du combattant pour découvrir qui il est vraiment. Ces souvenirs d’enfance, nés d’un immense malentendu, Gallienne les a compilés des années plus tard dans un spectacle, qu’il a adapté en film. Mis dans d’autres mains, ce sujet aurait pu verser dans la niaiserie larmoyante. Ici, c’est de la poésie pure. Et un rire jouissif d’une originalité folle dans le paysage formaté des comédies françaises. Merci, Guillaume!
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Guillaume Galienne. Rencontre du troisième type (paru dans le Moustique du 21/11/2014 - Thierry Van Wayenbergh)
Il est grand, fin, ressemble à un bébé bouclé parlant avec une étrange voix de fausset (“Je sais, cela fait des années que je vais chez un orthophoniste pour avoir un ton plus mâle”, plaisante-t-il) qui le rapproche de Fabrice Luchini, autre célèbre allumé du plafonnier. Sauf que lui déboule sans prévenir, presque de nulle part. Quasi inconnu il y a encore six mois, Guillaume Gallienne a créé la surprise au dernier Festival de Cannes où son film, adapté de son spectacle éponyme Les garçons et Guillaume, à table! a eu l’honneur d’une standing ovation de 15 minutes. Une comédie autobiographique qui cartonne à Cannes, c’est dire si Gallienne doit avoir quelque chose de spécial.
Et de fait, ce garçon est un authentique phénomène à la diction précieuse et délicieuse (il pourrait vous séduire en lisant le bottin téléphonique), un monde à lui seul, un ovni qui ne vous laisse pas pareil une fois qu’il a croisé votre galaxie. Son film est à son image: décalé, gentil mais pas naïf, féminin, doux, poétique, théâtral et vraiment drôle.
Alors quand on lui demande s’il a bien vécu cette histoire un peu dingue d’un garçon qui a joué presque toute sa vie à “faire la fille” pour plaire à sa mère adorée - au point de se faire taxer d’homo par toute sa famille -, on n’est pas tellement étonné par sa réponse. “Pratiquement tout est vrai dans ce que je raconte. J’ai passé mon temps à imiter ma mère jusqu’à me prendre pour une fille. Mon père a toujours essayé en vain de me faire faire des sports de garçon et j’ai même testé ma sexualité sauf que quand je suis arrivé chez le garçon, ils étaient trois, alors je me suis enfui en prétextant que je m’étais mal garé… Évidemment, j’ai mélangé des choses qui ne me sont pas directement arrivées à moi. Ma grand-mère, par exemple, n’a jamais eu l’accent russe, c’est mon arrière grand- mère. Bref, ce n’est pas forcément LA vérité, mais c’est ma vérité. Heureusement ou malheureusement, je ne sais pas, mais c’est vrai.”
MOUSTIQUE - C’est bien de pouvoir en rire…
GUILLAUME GALLIENNE - Ah, ben heureusement, sinon je me foutais par la fenêtre! Moi ça m’a toujours fait rire. Mais après coup, ce malentendu sur mon identité sexuelle - que j’ai aussi créé car je voulais être le préféré de ma maman - m’a conduit en dépression à l’âge de 12 ans. Maintenant, je suis plutôt léger, du genre à me prendre des fous rires aux enterrements. La comédie, c’est ma manière à moi de soulever la soupape.
MOUSTIQUE - On ne vous connaît pas bien. Racontez-nous votre parcours.
G.G. - D’abord je suis un grand bourgeois, je crois que ça se voit comme un coup de poing sur la figure (il s’interrompt et commande, petit doigt levé et en espagnol s’il vous plaît, un café serré à l’attaché de presse). J’ai fait le Conservatoire chez Daniel Mesguish, je suis pensionnaire de la Comédie-Française, j’ai un peu tâté le cinéma. Notamment dans Marie-Antoinette de Sofia Coppola, Jet-set aussi. Depuis cinq ans, je réalise des faux bonus de DVD pour le Grand journal de Canal +. Mais ce qui a réellement changé ma vie, c’est le spectacle qui, transformé en film, a fait du bruit sur la Croisette cette année…
MOUSTIQUE - Comment vivez-vous cette célébrité nouvelle et redoutée?
G.G. - Vous savez, j’avais un copain au théâtre à qui j’ai demandé pourquoi il tenait absolument à être sociétaire de la Comédie-Française. Et il m’a fait cette réponse étonnante: “Je viens de la DASS (organisme qui s’occupe entre autres d’enfants nés sous X, abandonnés ou placés par le juge - NDLR), j’ai vraiment besoin d’avoir mon nom inscrit quelque part”. Moi, j’ai beaucoup de chance à côté de lui. Je sais d’où je viens. D’une grande famille bourgeoise bien névrosée, mais qui ne va pas si mal au fond. Et je prends ce qui vient avec beaucoup de satisfaction, mais sans le moindre plan de carrière.
MOUSTIQUE - Mais vous êtes quand même gourmand: vous jouez deux rôles!
G.G. - Oui, et tant qu’à faire, je réalise le film! Non, mais jouer Guillaume a toujours été une évidence pour moi. D’autant que c’est celui que je connais le mieux, je l’ai trimballé toute mon enfance. Ce qui est fabuleux, c’est qu’avec la convention théâtrale, il me suffit de me poser de façon recroquevillée sur une chaise, et personne ne doute que j’ai 20 ans. Et si j’ai joué ma mère, c’est parce que personne ne l’aurait fait mieux que moi. Et pour dire aussi qu’on ne règle pas les problèmes, vu que j’ai 41 ans et que je continue à jouer dans ses habits! (Rire.)
MOUSTIQUE - On reconnaît dans votre film l’humour d’Almodovar ou de de Funès?
G.G. - Ah, de Funès, c’est le plus grand Français! Je n’ai pas tourné le film en y pensant, mais il est dans notre inconscient collectif, même à vous qui êtes Belges. Mais vous
avez raison, je me fais mon cinéma. Pour la pension anglaise par exemple, il était clair que j’allais tomber amoureux d’un beau brun genre Rupert Everett dans un pensionnat
et une ambiance qui évoqueraient James Ivory. Pareil pour la scène en Espagne: je voyais déjà dans ma tête toutes les femmes de Talons aiguilles d’Almodovar débarquer
sur la piste de danse où mon personnage apprend la sévillane. Et le passage de mon spectacle au cinéma me permettait de rêver tout ça tout éveillé, c’est génial, non?
MOUSTIQUE - Que diriez-vous à votre fils Tado si vous le surpreniez en habits de l’archiduchesse de Sissi impératrice, comme vous dans le film?
G.G. - Vous n’allez peut-être pas me croire, mais à 6 ans, il a déjà tout compris. Il sait que des hommes peuvent aimer des hommes. Puis ce serait quand même fort, vu mon parcours, d’avoir peur pour ce qu’il deviendra plus tard! Et de l’empêcher de suivre sa voie, sous prétexte de le protéger.