
Paul Magnette : "Décomplexons-nous"

La "génération W", la "Wallonie qui gagne", le "Wallonie Power"… On ne parle plus que d’elle. Au point de (r)éveiller en nous cette fierté régionaliste? Ministre-président du gouvernement wallon et bourgmestre de Charleroi, Paul Magnette affiche un optimisme de circonstance et l’affirme: cette région regorge de forces vives! En 2015, les premiers symptômes de cette fibre wallonne devraient même commencer à se faire sentir.
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Si vous deviez pitcher la Wallonie de 2015 à des investisseurs étrangers, vous diriez quoi?
Paul Magnette - Que c’est une terre connue et reconnue pour sa douceur de vivre. Au bon sens du terme! Mais aussi une terre de sciences, d’arts et d’industries. Trop de gens l’ignorent, mais la Wallonie a été la deuxième région la plus prospère au monde pendant des décennies. Nous étions ouverts sur le monde et à la pointe des technologies. Nous sommes en train de le redevenir.
Grâce à qui?
P.M. - A l’émergence de nouveaux secteurs d’activité et à une collaboration fructueuse entre nos universités et nos entreprises. Je pense notamment aux biotechnologies et aux firmes pharmaceutiques. Aujourd’hui, nos bioparcs sont classés dans le top 10 européen! On doit aussi cette réussite wallonne aux entreprises spécialisées en technologies de l’image qui produisent des films auréolés d’oscars ou des ralentis pour la Coupe du monde, mais aussi à nos boîtes actives dans l’aéronautique.
Quel est votre top 3 des récentes réussites wallonnes?
P.M. - Je citerais forcément Mithra, l’une des entreprises pharmaceutiques clés de la Wallonie. Elle crée de l’emploi et réinvestit dans le patrimoine, le centre de Liège ou dans un festival de jazz. Dans le même secteur, je pointerais le très dynamique IBA, acteur mondial en imagerie médicale et en protonthérapie. Enfin, je continue de tirer mon chapeau à la Sonaca et à Thales qui restent à la pointe de l’aéronautique. On fabrique quand même à Charleroi des morceaux de fusées Ariane!
De quoi faire décoller l’identité wallonne?
P.M. - François Perin disait que notre pays est peuplé de Flamands et de Belges. Même si cette notion d’identité régionale est encore très récente, les choses sont en train de s’équilibrer. Les dernières enquêtes menées par l’IWEPS, notre centre de statistiques, montrent d’ailleurs que l’identité wallonne s’est fortement renforcée ces cinq dernières années.
Grâce à la crise économique et aux conflits communautaires, non?
P.M. - Oui, mais cela n’explique pas tout. L’identité wallonne n’est plus aussi revendicative qu’à l’époque des grands combats régionalistes, mais elle s’affirme d’une autre manière. Plus naturelle, moins arrogante. Les gastronomes appellent cela la "génération W", mais je pense que cela dépasse de loin les frontières de la table.
N’essaie-t-on pas de se rassurer avec cette idée de Wallonie qui gagne pour masquer une situation économique toujours désespérée?
P.M. - Au contraire, beaucoup trop de dynamiques passent inaperçues. Le Wallon manque encore de confiance en lui et a toujours tendance à l’autoflagellation. Il est grand temps de se décomplexer et de redorer l’image de cette région. Vous savez, l’aéropôle de Charleroi, c’est 3.000 emplois. L’équivalent de ce qu’on a perdu en sidérurgie ces dix dernières années.
N’empêche, à l’inverse des Flamands, nos artistes qui réussissent à l’étranger sont toujours perçus comme des Belges et non comme des Wallons…
P.M. - Ce sont surtout nos voisins français qui restent attachés à cette idée. Même si presque tous les Belges qu’ils aiment sont des Wallons. Mais je peux vous dire que du point de vue industriel, le plan Marshall et les interactions entre nos firmes et nos universités commencent à porter leurs fruits et bénéficient d'une notoriété internationale.
La Wallonie serait-elle devenue in?
P.M. - Je dirais même qu’elle fascine!