
Philippe Geluck: "C'est déjà compliqué de discuter avec un croyant modéré, alors avec un fanatique..."

L'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo va-t-elle changer votre façon de travailler?
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Non. Je suis le chantre d'un humour, certes provocateur, mais jamais insultant pour ceux qui pourraient le prendre comme une insulte. C'est la règle que je me suis donnée: ne pas blesser ceux qui ne comprendraient pas. Et quand je fais des dessins sur la religion catholique, c'est ma culture, donc je me sens le droit de faire de l'ironie sur ma propre culture. Et puis, il y a quelques siècles qui sont passés sur la perception de la religion catholique. Il y a 500 ans, j'aurai été brûlé en place publique pour avoir dessiné Jésus. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, Dieu merci, si j'ose dire. J'espère que cette évolution sera possible sur l'islam, mais il n'y a que les siècles qui pourront nous le dire. Rien que le terme "djihad" - "guerre sainte" - comment est-ce possible au XXIe siècle?
Pouvez-vous comprendre ceux qui disent que Charlie est parfois allé trop loin - notamment sur l'islam?
Non, je reste solidaire, même si l'histoire des caricatures du prophète est plus complexe qu'elle en a l'air... Certains musulmans ont été choqués, alors que ce n'était pas le but, mais ils ont été choqués... Mais Charlie Hebdo est un journal satirique et sa fonction est d'aller trop loin. On le sait, on est prévenu. Mais en aucun cas une religion ne peut imposer aux autres ses propres règles. Si l'islam interdit de représenter le prophète, ça vaut pour les musulmans, pas pour les athées.
Les tensions qui traversent la société depuis quelques années vous ont-elles obligé à plus réfléchir sur la portée de vos dessins?
Bien sûr. La religion reste le point sensible, toutes catégories confondues. On le sait, les religions juives et musulmanes, ça reste compliqué à dessiner et à gérer. Ce sont des religions qui flirtent avec la politique, et donc on est un peu coincé avec ça...
Si vous aviez l'occasion de vous entretenir avec les terroristes qui ont agi mercredi à Paris, qu'auriez-vous envie de leur dire?
Je crois que ce n'est pas possible de discuter avec un fanatique. C'est comme si vous me demandiez de prendre le thé avec Himmler: de quoi voulez-vous parler? "Bravo, j'aime beaucoup ce que vous faites"? Ce n'est pas possible. Ils sont dans une folie telle que le dialogue n'est plus possible. C'est déjà compliqué de discuter avec un croyant modéré et convaincu - croyez-moi, je l'ai fait - alors avec un fanatique...