Qui pilote les Diables rouges?

Supporters snobés, gabegie, maillot low cost et pluie de C4… Deux mois après le Brésil, à la veille de Belgique-Australie et du Fan Day, c’est le chaos à l’Union belge. La faute à qui?

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Le Mondial n’est déjà plus qu’un souvenir. En ce début septembre, la Fédération belge de football est en pleine chienlit. Dernier épisode, le gaspillage de 300.000 euros pour avoir “oublié“ d’annuler la réservation d’un hôtel au Brésil destiné aux épouses des Diables rouges. Vu sa fonction - team manager -, c’est à Nicolas Cornu qu’on a tendu la facture. Et offert un C4. Tweet du journaliste sportif de la RTBF Thierry Luthers dans la foulée: “À l’Union belge, ce sont les petits fusibles qui sautent… Avant les gros?“ Comprenez: Cornu joue les lampistes de service, alors que la logique hiérarchique, elle, pointe le secrétaire général Steven Mertens, l'ancien capitaine de coupe Davis de tennis arrivé à la tête de la Fédération en 2011.

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“Gabegie: le grand déballage a commencé à l’Union belge. Et ce n’est sans doute pas fini…“, tweetait le 22 août Thierry Luthers, décidément aruspice. Et de fait, les casseroles s’amoncèlent… Entre le centre national de Tubize construit en 2006 mais toujours pas terminé et le nouveau stade national qui n’a ni plan, ni financement (à 15 jours de l’annonce par l’UEFA des 13 villes retenues pour l’Euro 2020), Steven Martens doit aussi traiter les 150 plaintes déposées suite au fiasco du “De Village“, le camping des supporters belges au Brésil mis sur pied par la Fédé. “Peu le savent, mais ce camping avait été déclaré insalubre - donc interdit - aux environs du mois de février, informe un observateur privilégié.Il suffisait de se rendre sur place pour s’en rendre compte, mais l’Union belge s’est contentée de vendre le produit, en se moquant des supporters qui ont claqué 4.000 €.

Autre couac, plus anecdotique mais aussi révélateur du dilettantisme ambiant: le nouveau maillot des Diables rouges qui, au bout de longues tractations, ont lâché Burrda pour Adidas. Soit un équipementier plus tape-à-l’œil. On le sait, le nouveau modèle est une supercherie, pompée sur un tee-shirt d’entraînement auquel on a collé un écusson belge.

Mais en mandatant un ancien coach de tennis qui n'y connaissait pas grand-chose en football pour professionnaliser sa vieille institution, l’Union belge n’a-t-elle pas marqué un but contre son camp? “Honnêtement, avec Martens, la Fédération a entamé sa modernisation, défendait la semaine dernière un témoin. A sa décharge, il a dû faire face à une bande de pique-assiettes, qui sont là pour les billets des matches et les places dans l’avion.“

Pique-assiettes ou pas, Steven Martens devait fatalement rendre des comptes devant son Conseil d'administration (CA). Et ce aux côtés de Bob Madou, son âme damnée et Business Director“. C’est lui qui a orchestré la machinerie marketing des “Défis des Diables“, en réussissant, avec le même talent, à capitaliser la marque “Diables rouges“, mais en se mettant paraît-il tout le monde à dos à la Fédé. A tel point qu'à la veille de la réunion extraordinaire du CA organisée ce lundi dernier, on disait ses jours comptés. Un licenciement de Madou fragiliserait beaucoup Martens. Et cela contrarierait, à son tour, beaucoup Marc Wilmots, ardent défenseur du tandem.

Depuis deux ans, beaucoup d'autres membres de l'Union belge ont pourtant eux aussi été “remerciés“: du directeur technique (Benoît Thans) au chef cuistot (Wim Casteleyn) en passant par l’entraîneur des gardiens (Philippe Vande Walle), le préparateur physique (Erik Roex) ou le chauffeur du bus (Michaël Ruysselveldt)… Des remaniements qui, ceux-là, portent la patte de Marc Wilmots, que nos sources désignent unanimement comme “le vrai patron de la Fédé“, devant Martens et le président François De Keersmacker.

Wilmots, le despote

"Wilmots? Il doit être indiqué dans son contrat qu’il décide de la couleur des cravates et du modèle des slips“ , ironise un ancien employé de l'Union belge. “Le mérite lui revient. Alors que dans les autres équipes nationales les contrats sont toujours reconduits de deux en deux ans, lui en a obtenu un jusqu’au Mondial 2018 en Russie.“ Un contrat où il a par ailleurs inclus une clause lui permettant de partir du jour au lendemain. “Marc Wilmots est rusé, confie un autre observateur. Il calcule tout. C’est un fermier, hein! Jeune, son père l’a racheté pour que l’indemnité de transfert lui revienne. Le moindre cent est important pour lui. Là, il se joue d’eux…“

C’est aussi, paraît-il, une manière de prendre sa revanche, après être “entré par la petite porte comme coach national“. Aujourd’hui, le rapport de force est inversé: “Tout le monde est à ses pieds. C’est devenu un héros national. En l’absence de vrai patron, il fait ce qu’il veut et donne son avis sur tout.“ Les journalistes sportifs l’ont appris à leurs dépens: c’est Wilmots qui dicte le tempo. “Il donne des consignes strictes: telle question, oui, telle autre, non.En même temps, on peut estimer que c’est très professionnel de sa part. Mais c’est un despote. Il terrorise les journalistes. Seul un de la VRT a osé “ruer dans les brancards“ en lui demandant des nouvelles de Kompany, qui était blessé. Or, il avait décrété avant l’interview: “Pas de question sur Kompany.“ Mais c’était l’actualité du moment! Résultat: Wilmots s’est barré.“ Une anecdote très symptomatique de l’omerta de ce petit milieu, où on n’accepte de parler que sous le couvert de l’anonymat, histoire de ne pas torpiller le partenariat du média qui l’emploie ou d’hypothéquer sa place en tribune d’honneur.

La paranoïa de Wilmots aurait d’ailleurs conduit à la déchéance progressive de Stefan Van Loock, le directeur de la communication à qui l'entraîneur reprochait notamment une certaine complaisance avec les médias flamands. “Stephan Keygnaert du Het Laatste Nieuws était toujours en train de tuer - injustement - Wilmots, et Van Loock laissait faire. Marc lui en voulait“, nous confie-t-on.Il y a deux semaines, "Monsieur Niet“, comme l’ont surnommé certains journalistes francophones, a fini par “démissionner“, lassé par l'omnipotence de Wilmots. “Personne à la Fédé n’est capable de le maîtriser. Il fait ce que bon lui semble.“

Comme annuler les festivités et bâcler le retour du Brésil des Diables rouges, à la grande frustration des supporters. Depuis, l'homme a reconnu que c’était une erreur. “Mais c’est l’Union belge qui aurait dû lui dire à l’époque: “On fait une fête, point barre. Tu n’as pas le choix, tu es notre employé et tu te tais!“, estime un observateur. D’autant que c’était tellement simple à organiser: tout le monde au stade Roi Baudouin et c’était réglé!“, ajoute un autre.L’ancien sénateur MR aurait voulu échapper à toute récupération politique… Mais c’est tout de même suite au lobbying de Di Rupo que la réception chez le roi fut suivie d’une apparition en public, très “minimum syndical“, sur une tribune montée à la hâte place des Palais. “La vraie raison, c’est que les joueurs n’avaient pas envie de s’emmerder à consacrer du temps aux supporters… Rien à voir avec leur argument de fausse humilité “On n’a rien gagné, donc on n’a rien fêté“… Wilmots aurait signé des deux mains avant le tournoi pour être éliminé en quart par l’Argentine…“

Kompany, le calculateur

Sur leur podium minable, les tronches des Diables rouges, il est vrai, en disaient long. Mais que dire de celles de Michel Lecomte et de ses collègues de la RTBF, perchés, seuls, sur leur bus à impériale? Malgré les bonnes relations de la chaîne publique avec Wilmots, les “héros brésiliens“ n’ont pas daigné y monter pour partager avec leur public un petit mot de gratitude en direct à la télé. Quel contraste comparé à la (fausse) proximité affichée lorsqu’il s’agissait de quémander le soutien des supporters pour les Défis des Diables ou de vendre des cosmétiques ou des cannettes à leur effigie.

“Certains se font passer pour les porte-parole de la nation, mais ce ne sont pas des philanthropes, ils sont là pour gagner leurs tartines… , tacle l’un de nos interlocuteurs. Kompany essaie de se faire passer pour Vince The Prince, mais c’est surtout Vince The Businessman, avec son bar, son club de foot, son club d’athlétisme… Un excellent joueur de football qui n’a joué que… 4 des 11 dernières rencontres amicales. Il calcule ses matches et sait quand il doit travailler son image. C’est le plus malin de la bande…“ Tellement malin qu’il partagerait le pouvoir quasi à parts égales avec Philippe Collin, le président de la Commission technique, et Marc Wilmots, dit-on…

L’ego et les joueurs

Une union sacrée dont aura peut-être bien besoin Wilmots dans les semaines à venir, pour contrôler certains barons de l’équipe qui émettraient de plus en plus de doutes, en "off", sur ses qualités. Après le Mondial, déjà, Eden Hazard avait critiqué publiquement le manque d’automatismes. Des errements tactiques que la presse internationale n’avait pas non plus manqué de souligner… “Et le “Putain, fait chier…“de Daniel Van Buyten après le match contre l'Argentine, c’était clairement une attaque sur le coaching du Wilmots", ose même un de nos interlocuteurs. La personnalité du coach fédéral, de même que ses incessantes références sur son passé de joueur en Allemagne, commenceraient aussi à agacer un vestiaire habitué à prester dans des clubs bien plus huppés que Schalke 04. On se rappelle cette interview de la RTBF où le journaliste demandait à Hazard le mot le plus utilisé par son coach. Et la réponse de fuser: “Moi, je…“!

Ce climat incertain et ces couacs à répétition sont-ils de mauvais augure pour le futur de notre équipe nationale? “Pas forcément. Même si la Fédération commet des bourdes énormes par amateurisme, elle conserve un bon "produit". Les joueurs vont facilement se qualifier pour l’Euro. Et tant que la victoire est là, le public suivra." Un présage à vérifier dès le match amical contre l’Australie à Sclessin de ce jeudi et le Fan Day deux jours plus tard. Lequel, après un gros cafouillage (un de plus…), aura lieu à Ostende. Un choix peu apprécié - et compris - par les supporters du sud du pays. “Oh, vous savez, beaucoup de réunions de la Fédération se passent à Ostende…, éclaire cet ancien employé. A votre avis, il habite où, Steven Martens?“

Belgique-Australie

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