Rencontre avec une fortune française exilée en Belgique

Pourquoi les fortunes françaises se font-elles la malle pour notre modeste royaume? L'une d'elles, installée dans le sud de Bruxelles depuis six ans, livre ses raisons et règle ses comptes.

Rencontre avec une fortune française exilée en Belgique

Elle le précise d'emblée: avec ses 10 millions d'euros de patrimoine, certes, elle est nantie mais pas autant que ses compatriotes Gérard Depardieu et Bernard Arnault. Pourtant, tout comme eux, Hélène, 63 ans, a décidé de plaquer sa mère patrie et sa vie de château pour la Belgique. Sans regret, assure cette héritière d'une famille noble, ravie de pouvoir enfin balancer tout ce qu'elle pense de son ancienne  république aujourd'hui passée à gauche. Hélène se lâche mais à visage couvert. On n'est jamais trop prudent…

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Pourquoi avez-vous, un beau jour, quitté la France?
Hélène - Je n'ai pas pris cette décision sur un coup de tête. Mon mari et moi-même avions saisi depuis longtemps notre intérêt à nous installer en Belgique: mettre notre patrimoine à l'abri pour pouvoir le léguer plus tard à nos enfants. Le premier devoir des parents, n'est-ce pas de protéger leurs enfants?

En quoi votre patrimoine était-il menacé?
Hélène - Nous ne jouons pas dans la même cour que M. Arnault. En France, nous avions du patrimoine immobilier mais pas d'entreprise fructueuse. Certes, les prix de l'immobilier ont augmenté et notre patrimoine a pris de la valeur, mais nos revenus locatifs n'ont pas suivi cette courbe ascendante. De plus, nous avions des locataires qui ne payaient pas. Du coup, nous ne parvenions plus à honorer l'impôt spécial sur la fortune. Mais ça, le fisc français ne voulait pas le savoir. Si j'étais restée en France, j'aurais dû tout vendre pour satisfaire l'État. À moins que celui-ci ne finisse par saisir tous mes biens et même ma pension. Vous savez, à force de payer tant d'impôts, certains Français se retrouvent à la rue.

Concrètement, comment avez-vous procédé?
Hélène - Tant que nos parents étaient vivants, nous ne voulions pas leur faire du chagrin. Mais après, c'est bien simple, j'ai tout vendu. Quitte à partir, il ne fallait rien laisser derrière moi. Je suis venue m'installer dans le sud de Bruxelles et j'ai investi dans un lieu où je passerai le restant de mes jours.

Qu'avez-vous éprouvé lorsque vous vous êtes installée ici?
Hélène - Un sentiment d'accueil gentil et un regard bienveillant, sans aucune stigmatisation. Je me suis sentie comme parmi mes semblables. Et j'ai été extraordinairement soulagée de ne plus vivre sous une épée de Damoclès.

Est-ce un exil doré dans un paradis fiscal?
Hélène - Non, ça c'est un cliché alimenté soit par les ignorants, soit pas les Français qui manipulent l'opinion publique. C'est vrai, les droits de succession sont moins élevés ici et il n'existe pas d'impôt sur la fortune. Mais si ma motivation avait été purement fiscale, j'aurais choisi la Suisse. J'aime ses belles montagnes. Mais j'ai préféré votre pays. En fait, je n'ai pas eu l'impression d'avoir passé la frontière. J'ai un lien affectif avec la Belgique. J'y suis attachée car j'y ai des souches familiales qui datent d'avant la révolution française. Ici, je me sens chez moi et proche de votre esprit, celle de la monarchie à laquelle je suis si attachée, en tant que membre de la noblesse. Donc, non, je ne me considère pas du tout comme une expatriés ou, pire, une délinquante en cavale.

Comment a réagi votre entourage quand vous êtes partie?
Hélène - Les membres de notre famille sont larges d'esprit. Ils ont eux-mêmes des enfants qui voyagent. Ils ont donc très bien réagi. À moins que, par élégance, ils se soient abstenus de toute critique. Quant à mes anciennes connaissances, je n'étais plus là pour entendre leurs éventuels commentaires désagréables.

Pourtant, vos oreilles ont dû siffler…
Hélène - Me traiter de déserteuse, c'est lamentable et hypocrite. C'est surtout une occasion pour se créer une image de bien-pensant. Les donneurs de leçons autoproclamés sont à vomir. Je ne crois en rien à leur sincérité. En réalité, le climat en France est à la diabolisation des personnes sortant de la "normalité" chère à M. Hollande. Il y a de la mesquinerie, de la jalousie, voire de la haine envers les nantis. Ce qui m'indigne le plus, c'est que ce mépris confinant au racisme règne dans la tête de prétendus antiracistes.

Du racisme?
Hélène - Oui, c'est la gauche contre la noblesse. On a l'impression de revivre la révolution et d'entendre: "Que font donc ces nobles ici en République? Ils n'ont pas encore eu la tête coupée?" Non mais franchement, où est l'égalité quand on présente d'une part les méchants riches et, d'autre part, tous ceux qui doivent être aidés par l'État?

Vous visez le gouvernement de François Hollande?
Hélène - Absolument! Il fait preuve d'une incroyable hypocrisie. Il déforme la réalité pour masquer ses propres lacunes et incompétences. En plus, il dénie le droit pour tout un chacun de circuler librement en Europe et, par conséquent, il piétine le fondement même de l'Europe et de sa sacro-sainte république. Il faut être mû par un esprit socialo-communiste carrément totalitaire pour prétendre nous retenir à l'intérieur d'un territoire. Le résultat, c'est que ce gouvernement est en train de vider la France de ses forces vives et de toute émulation. Il détruit la motivation et les espoirs d'une partie de la population. Il est temps de donner un électrochoc à ce gouvernement avant qu'il ne tue toutes les poules aux œufs d'or. Les entrepreneurs qui restent en France font preuve d'héroïsme, tant ils sont ponctionnés.

Les critiques adressées à Gérard Depardieu (le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a qualifié son attitude de "minable"), vous les prenez pour vous aussi?
Hélène - Tous ceux qui s'en vont et qu'on traite de mauvais patriotes le prennent pour eux. Mais cette notion de patriotisme, à l'heure de l'Europe, relève du nationalisme étriqué. De toute façon, je ne me sens pas insultée quand ça vient de trop bas. Ayrault et son gouvernement perdent le contrôle de leurs nerfs par dépit. Forcément, ces départs à répétition de grandes fortunes, ça les ridiculise, ces socialistes. Quand Nicolas Sarkozy a perdu les élections, je me suis dis que la France était fichue et que j'avais vraiment bien fait de partir.

Vous savez que le Premier ministre belge est socialiste?
Hélène - Oui, mais j'ai l'impression que M. Di Rupo est plus intelligent et modéré. Il n'a pas envie de faire fuir ses compatriotes. Et même si certains membres de son gouvernement souhaitent un impôt sur la fortune, ce ne sera pas dans les mêmes proportions qu'en France. Moi, je suis d'accord de payer si c'est raisonnable et en fonction de mes possibilités.

Vous revenez parfois en France?
Hélène - Oui, mais je n'aime pas trop y retourner. Pour moi, ce n'est plus chez moi, c'est une destination de vacances. Mais surtout, cela fait vibrer ma corde sensible: je suis triste pour la France dont j'admire tant le passé.

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