
"Shame": L'enfer d'un accro du cul

Difficile de vous dire: allez-y, foncez! Shame n'est pas un film tous publics ni à conseiller par-dessus la jambe pour aller se changer les idées un soir, se divertir tranquille - ou même se rincer l'œil. Le film propose de suivre Brandon, jeune New-Yorkais pris dans une spirale de sexe où il s'abîme, préférant les putes aux sentiments, l'amour sur Internet aux vraies femmes, jusqu'à l'écœurement. Descente aux enfers de l'addiction sexuelle. L'arrivée de sa jeune sœur va l'obliger à se réconcilier avec ses émotions.
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Malgré son sujet très chaud et son casting alléchant (le très séduisant Michael Fassbender, nouvelle belle gueule torturée du cinéma indépendant, et la jolie Carey Mulligan dans le rôle de la petite sœur rédemptrice) le traitement que lui réserve le réalisateur britannique le plus branché du moment est glacial. Vidéaste et réalisateur brillant venu de l'art contemporain, révélé au cinéma avec Hunger (film coup-de-poing sur les prisonniers de l'IRA qui remporte la caméra d'or au festival de Cannes 2008), Steve McQueen (à ne pas confondre avec l'acteur mythique des Sixties) s'empare à nouveau d'un sujet fort qui provoque un malaise puissant.
Drame pornographique inédit, Shame se déploie en une série de plans-séquences contemplatifs portés par une lumière caressante et crue à la fois. Du sexe grimaçant, ricanant et macabre pour une mise en scène dramatiquement belle et implacable. Plus qu'à l'addiction sexuelle elle-même, c'est à l'impuissance affective au temps de la pornographie et du sexe à la demande que veut nous confronter McQueen. Et il y parvient. Car le vrai thème de Shame n'est pas le sexe mais sa solitude, et la finitude à laquelle il nous renvoie. "Il n'y a pas de rapport sexuel", disait Lacan, psychanalyste sibyllin. "L'amour physique est sans issue", chantait Gainsbourg. Ce film pourrait bien en être l'expérience douloureuse, tant il nous laisse, tremblants, au bord d'une impossible étreinte.
Shame
Réalisé pat Steve McQueen (2011). Avec Michael Fassbender, Carey Mulligan - 99'. Interdit aux moins de douze ans.