Syndicats: ce qu'en pensent les patrons

La Fédération des entreprises de Belgique estime que les syndicats ont encore un pied dans le XIXe siècle. Et que ça doit changer.

147651

Pieter Timmermans, directeur général de la FEB, qui fédère les patrons belges, connaît bien les organisations syndicales. Depuis des années, il est assis avec eux à la table des négociations pour concocter l'accord interprofessionnel, ces grands raouts qui scellent notamment l'évolution des salaires. Le boss de la Fédération des entreprises de Belgique aimerait tant que nos syndicats se comportent comme leurs homologues allemands. De quoi faire grincer les dents des rouges, des verts et des bleus.

Nos dernières vidéos
La lecture de votre article continue ci-dessous

Que pensez-vous de nos syndicats?
Pieter Timmermans - Il y a cent ans, ils percevaient l'employeur comme un exploiteur et entretenaient une attitude conflictuelle avec lui. Aujourd'hui, je constate qu'en Belgique, certains syndicats s'inscrivent toujours dans cette logique. Le patron reste l'adversaire à abattre. Alors que, selon moi, le XXIe siècle a besoin d'un syndicalisme moderne, de consensus, de compromis. Aux Pays-Bas et en Allemagne, patrons et syndicats se parlent, parfois durement, mais parviennent à s'entendre pour créer de la valeur ajoutée et protéger l'emploi. Je n'ai jamais vu de grandes manifestations faire augmenter le produit intérieur brut.

Comment créer le consensus quand une entreprise décide de délocaliser ses activités?
Je vois juste que dans d'autres pays, lorsque ça se produit, cela ne provoque pas de grandes manifestations qui confinent à l'action politique. Notre économie est en constante évolution. Des entreprises prennent de l'ampleur et au même moment, d'autres doivent restructurer pour s'adapter au marché, voire survivre. Cela se produit même en période de croissance économique extraordinaire.

Mais n'est-ce pas légitime pour les syndicats de combattre les patrons voyous qui font de la casse sociale par pur esprit de lucre?
Les employeurs de ce type-là, nous les écartons immédiatement, parce que la FEB est ancrée dans son époque. Nous en attendons de même des syndicats. Quand je les vois donner des leçons de gestion à des entrepreneurs qui méritent du respect, là, je l'affirme: c'est vraiment le monde à l'envers!

Pensez-vous que les syndicats soient encore en phase avec leurs affiliés?
La situation est beaucoup plus difficile qu'il y a cinquante ans. Aujourd'hui, les travailleurs sont bien plus indépendants des organisations syndicales et davantage individualistes. Certains d'entre eux estiment pouvoir se défendre tout seuls, sans l'aide d'une structure.

Pourtant, les travailleurs gagnent à s'unir…
Disons que cela ne va pas sans un problème de décalage. Certains patrons s'étonnent que nous ne parvenions pas à des accords interprofessionnels ou sectoriels alors que, dans leur entreprise, ils résolvent facilement les problèmes en concertation avec les délégués syndicaux. Sur le terrain règne un réalisme beaucoup plus grand qu'au sommet des organisations. Un exemple: chez Audi Brussels, il y avait un accord gagnant-gagnant entre employeur et personnel pour organiser la production des voitures de façon beaucoup plus flexible. Malgré cela, au niveau interprofessionnel, la discussion a duré des mois et est devenue infernale, parce qu'on allait prétendument toucher au sacro-saint principe des heures supplémentaires. En Allemagne, la direction d'Audi était vraiment surprise, parce que là-bas, ça ne se passe pas comme ça. Bref, préserver le contact entre le sommet et la base, ça représente un défi de taille pour les syndicats.

Qu'est-ce qui vous énerve le plus chez eux?
Lors des négociations interprofessionnelles, ils nous disent: "Vous, employeurs, vous devez négocier avec nous dans les organes créés pour cela". Mais après, ils se réservent toujours la liberté de soumettre les projets d'accord à leur base. Et parfois ils ne le défendent pas. C'est illogique, contre nature et ça me rappelle l'époque du syndicalisme conflictuel où les gens ne savaient ni lire ni écrire, ni se défendre eux-mêmes. Du coup, certains patrons plaident pour aller négocier directement avec les travailleurs.

Débat
Sur le même sujet
Plus d'actualité