
Tintin à Hollywood

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En ce qui vous concerne, Steven, Tintin n'est pas un héros d'enfance?
Steven Spielberg - Non. Je l'ai découvert sur le tard, en 1981. C'était à la sortie d'Indiana Jones et les aventuriers de l'arche perdue. Je lisais des critiques dans la presse française qui disaient toutes la même chose: Spielberg s'est inspiré de Tintin pour réaliser Indiana Jones. Et pourtant, je n'en avais jamais entendu parler. Je me suis donc procuré les bandes dessinées et là, ce fut le choc. Je l'ai immédiatement admiré.
Et très vite, vous avez contacté Hergé?
S.S. - Oui, c'était en 1983, quelques semaines seulement avant sa mort. Il m'a dit qu'il avait vu Indiana Jones et que cela lui rappelait effectivement Tintin. Nous avions prévu de nous voir mais la vie en a décidé autrement… À l'époque, nous avions très envie d'adapter Tintin mais nous ne savions pas comment faire. C'est pour cela que trente années ont passé. Il y a cinq ans, lorsque j'ai réalisé que nous possédions la technologie pour faire le film, j'ai repris contact avec la famille d'Hergé. J'étais assez sûr de mon coup. Je savais qu'en 1983, après notre coup de téléphone, Hergé avait dit à sa femme Fanny (qui gère aujourd'hui Moulinsart avec son nouveau mari Nick Rodwell - NDLR): "Si quelqu'un doit un jour le faire, j'aimerais que ce soit Steven Spielberg".
La question qui tue: quel contrat avez-vous avec Moulinsart?
S.S. - Je ne vous parlerai pas d'argent. Nous avons obtenu les droits sur tous les livres. Et pour très longtemps (sourire).
Et par où avez-vous commencé?
S.S. - Nous avions la technologie. Il nous fallait un excellent scénario. Après des mois de travail, nous sommes tombés d'accord sur un mélange de trois albums. L'axe principal est Le secret de la licorne. Mais il y a aussi un peu Rackham le Rouge et Le crabe aux pinces d'or pour la rencontre entre Tintin et Haddock à laquelle je tenais particulièrement. Mais la question que nous nous sommes sans cesse posée en écrivant était: "Qu'est-ce qu'il y a, Monsieur Hergé, entre ces deux cases de BD?" Notre boulot était de remplir les blancs sans trahir l'esprit du créateur.
Quel a été le plus gros challenge à relever?
Peter Jackson - Rester fidèle à l'œuvre d'Hergé. C'est pour cela que nous avons choisi la motion capture: pour être au plus près du crayon et du canevas d'Hergé. Il fallait partir du dessin en deux dimensions et donner à Tintin une texture réaliste. Il fallait le transformer en être à part entière, pas en personnage de dessin animé. Bref, il fallait que Tintin soit un être humain sans en être totalement un.
Quel écueil fallait-il éviter?
P.J. - Les gens de Moulinsart protègent très fort leur personnage. Aucune dérive n'était autorisée. Ceci dit, nous sommes tellement fans de l'œuvre d'Hergé que nous avions juste envie d'être le plus fidèles possible. Il était hors de question pour nous d'américaniser le personnage ou l'histoire. Tintin devait rester un héros européen.
Steven, une fois de plus, vous signez un grand film d'aventures familial. À 65 ans, filmer pour les enfants reste important?
S.S. - Primordial. J'ai la chance de faire un métier où je peux de temps en temps convoquer ce qu'il me reste d'enfance. La naïveté et surtout le manque d'expérience que l'on a de la vie à cet âge-là me manquent terriblement. Les enfants ne savent pas combien le monde est atroce. Je leur envie cette chance. C'est pour cela que j'essaie de faire vivre le gosse qu'il y a en moi.
Laissons de côté le fan. En tant que cinéaste, Peter, qu'est-ce qui vous a intéressé dans ce projet?
P.J. - Lorsqu'on lit Tintin, on réalise qu'Hergé voulait que l'on se glisse dans l'histoire et que l'on vive les aventures avec lui. Je peux décrypter l'œuvre d'Hergé avec mon œil de cinéaste. Par exemple, je sais qu'il a vu les films de Buster Keaton et de Chaplin. Qu'il aimait les films hollywoodiens des années 40 et 50. Prenez les Dupondt: ce sont typiquement des personnages du muet hollywoodien des années 30. Hergé faisait des bandes dessinées exactement comme on fait du cinéma.
Outre Tintin, quelle est la connexion entre vous deux?
P.J. - Nous aimons raconter des histoires. On rit aux mêmes blagues, on aime Buster Keaton et Chaplin, on a tous les deux fait des films en super-8 quand on était enfants. Je tournais mes petits films parce que je m'embêtais. Je n'avais ni frère ni sœur et c'est ce que j'ai trouvé pour développer mon imaginaire.
S.S. - Moi, au contraire, j'ai trois sœurs plus jeunes qui me rendaient fou. J'ai fait du super-8 pour m'éloigner d'elles.
En Europe, Tintin est une superstar. Mais aux Etats-Unis, il n'est pas connu du grand public. Comment allez-vous faire pour attirer les Américains dans les salles?
S.S. - Personne ne connaissait E.T. avant que nous ne l'inventions. Nemo, Wall-E et Buzz l'Eclair n'étaient pas non plus connus avant que Pixar ne les invente. Nous ne nous faisons donc pas de souci à ce propos. Nous pensons que Tintin a un énorme potentiel pour plaire aux gens dans le monde entier.
Hergé a écrit Les aventures de Tintin il y a soixante ans. Qu'est-ce qui fait, selon vous, que cette œuvre a traversé les âges?
S.S. - C'est tout simplement inexplicable. Bien sûr, il y a des pistes. Hergé ne racontait pas des histoires belges. La moindre aventure de Tintin est universelle. Et puis, il y a ces personnages miraculeux. Les traits sont forcés mais nous avons tous autour de nous quelqu'un qui peut nous faire penser à Haddock, à Tournesol ou à la Castafiore. Enfin, il y a les qualités du héros. C'est un jeune homme qui n'abandonne jamais. Et je crois que c'est cela qui nous touche chez Tintin, nous qui abandonnons souvent ce que nous avons commencé.
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