Zazie: "Je me suis débarrassée du regard des autres"

Plus zen que jamais, elle revient en mode électro dans le son et cyclo(thymique) dans le ton. C'est du joli.

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"Cyclo" est-il un album narcissique?
Zazie - C'est ce qui m'a fait peur au début. Après avoir écrit trois ou quatre chansons pour cet album, notamment Les contraires, Je ne sais pas et Cyclo, je me suis rendu compte que je ne prenais jamais position et que je ne parlais que de moi. C'était presque limite agaçant. Mais je m'aperçois aussi que ce qui m'arrive à moi arrive un peu à tout le monde. Les gens sont à la fois hyperactifs et hypersensibles. Ils piquent des crises pour des choses qui n'en valent pas la peine. Ceux qui réussissent bien vous disent qu'ils sont parfaitement heureux, mais une semaine après, ils vous avouent souffrir d'un burn-out et bouffer des antidépresseurs à tous les repas. En fait, le rythme qu'on s'impose ne nous convient pas du tout.

Dans la chanson Tout, vous fustigez le culte de l'immédiateté. Pourtant vous avez un compte Twitter et une page Facebook qui favorisent les réactions compulsives.
Zazie - Les gens savent pertinemment bien que je ne vais jamais sur Twitter ou Facebook. Les réseaux sociaux me permettent de diffuser des informations sur ma musique sans passer par d'autres intermédiaires, mais je n'y raconte pas ma vie. D'abord parce que je n'ai pas le temps, ensuite parce que ça ne m'intéresse pas. Aujourd'hui, on donne une importance capitale à des choses futiles, il faut avoir un avis sur tout et tout de suite. Je ne sais pas si c'est par désespoir que les gens réagissent comme ça ou si c'est par réflexe compulsif ou pour faire comme tout le monde. Mais je ne fais pas ma maligne, je suis aussi vulnérable que les autres. La dernière fois que je m'en suis voulu, c'est lorsque j'ai fait l'achat compulsif d'un lit qui ne me servait à rien.

Seule chanson up-tempo de cet album, 20 ans évoque ces personnes d'un âge mûr qui restent toujours jeunes dans leur tête. Vous faites partie du club?
Zazie - Oui, mais ce n'est pas de jeunisme, de pilule magique ou de chirurgie esthétique dont je parle ici. Je constate simplement que les quadras et quinquas sont souvent plus rock and roll dans leur tête que ceux qui ont vingt ans. Aux soirées des Restos du Cœur, ce sont les vieux qui font encore la fête dans les loges jusqu'à 8 heures du mat'! Les jeunes sont déjà tous rentrés se coucher. Nous retrouvons l'insouciance de nos vingt ans alors que je ne suis même pas sûre que ceux qui ont vingt ans aujourd'hui sachent ce que c'est.

A quoi rêvait la Zazie qui avait vingt ans?
Zazie - Elle ne s'appelait pas encore Zazie et elle bossait comme mannequin sans penser à la musique. Je n'étais pas trop insouciante justement, j'étais inquiète. Je me rendais compte que les principes que m'avaient inculqués mes parents ou mes professeurs ne correspondaient pas du tout à ceux qui allaient guider ma vie. Ce n'était pas très cool comme période. Je ne me sentais pas bien dans ma peau et je trouvais que les garçons étaient tous nuls. Même si j'étais mannequin et que j'évoluais dans un monde un peu glamour, la vie que je fantasmais ne correspondait pas du tout à celle que je menais. J'avais déjà en tête un monde parallèle et un journal intime mais je ne savais pas comment les extérioriser.

Vous sentez-vous plus séduisante aujourd'hui qu'à vingt ans?
Zazie - Je me sens plus à l'aise aujourd'hui dans ma féminité. Je me suis débarrassée du regard des autres et de tous les codes existant autour de la séduction. Je suis plus dans une séduction libre et ça me convient mieux.

A partir de quand vous êtes-vous sentie parfaitement bien?
Zazie - C'est arrivé assez tard. La maternité m'a permis de remettre les compteurs à zéro. Il y a une phrase de Jacques Prévert que j'adore: "quand on devient parent, on a le droit d'essayer d'être heureux". C'est quand je suis devenue maman que j'ai compris ce qu'était une vraie urgence ou un vrai problème et qu'il ne fallait pas s'en faire pour tout.

Quelles valeurs essayez-vous d'inculquer à votre fille Lola?
Zazie - Je veux qu'elle se sente libre dans un monde et un système qui ne le sont pas. J'essaie de lui inculquer la notion de nuance dans une société très rigide. J'essaie de lui faire comprendre qu'on peut dire dans la même phrase et à la même personne: "Tu m'agaces et je t'aime". Que l'inconnu n'est pas forcément synonyme de peur mais qu'il peut être aussi confortable. Quand ma fille était plus petite, j'ai cherché en vain un livre qui montrait un prince charmant avec des faiblesses ou un loup gentil qui ne mangeait pas forcément les enfants. Mais ça n'existe pas.

Vous qualifieriez-vous comme quelqu'un de solitaire?
Zazie - Quand j'étais jeune, je commençais ma soirée en groupe mais j'aimais bien la terminer seule. Aujourd'hui, c'est pareil. Ce n'est pas que je me sens solitaire mais j'ai besoin de solitude. Comme artiste, je ne fais qu'enchaîner des situations où je suis entourée et c'est parfois exagéré. En concert, dans le bus de tournée et même quand je vais au resto où il y a toujours trois personnes qui vont me trouver marrante parce que je dis "passe-moi le sel" à mon voisin. Il faut savoir sortir de ça ou on finit par péter un câble. Je dois me retrouver seule pour me ressourcer.

Vous faites preuve de beaucoup d'autodérision par rapport à votre parcours artistique.
Zazie - Je pense qu'il y a beaucoup d'artistes qui possèdent ce sens de l'autodérision mais qui se l'interdisent. Moi pas. Je refuse aussi de cracher dans la soupe, de dire que si ça ne marche pas comme on l'a espéré, c'est la faute des autres. Il faut aussi savoir se moquer de soi-même et relativiser. Un échec, ce n'est pas la fin d'un monde.

Pourquoi votre album précédent "Za7ie" s'est planté?
Zazie - L'idée de départ, c'était de montrer aux gens le résultat d'une année de laboratoire. Mais à l'arrivée, on s'est retrouvé avec une compilation, sept albums de sept chansons, des thématiques différentes, des singles pas toujours judicieux et des sorties décalées dans le temps. Dès la promotion, je me suis rendu compte qu'il y avait un problème. Je passais plus de temps à expliquer le concept et la mécanique du truc qu'à parler des chansons. Le problème, c'est qu'il y avait trop de chansons. Par contre, je me suis éclatée sur scène en revenant dans des salles plus intimes.

"Cyclo" marque vos vingt ans de carrière, vous y pensez parfois?
Zazie - Ce sont les journalistes qui m'y font penser. Moi, je n'ai jamais compté en années mais en albums. Jusqu'à présent, ma firme de disques a toujours renouvelé mon contrat. Après "Cyclo", mon label attend encore un disque de moi et puis, qui sait, je serai sur un siège éjectable.

Avez-vous déjà songé à arrêter?
Zazie - Il m'est arrivé de me poser la question suite à des traumatismes passagers. Je me souviens d'un article méchant, injurieux et mensonger dans Libération qui m'a vraiment blessée. En fin de tournée, lorsque mon élasticité est moins grande, mon état d'épuisement est tel que je peux me poser la question. Je ne m'interdis pas d'avoir une autre vie ou de mener ma carrière différemment, peut-être de manière moins exposée. Je sais que ce que j'aime par-dessus tout, c'est écrire des chansons. Je ne pourrais pas m'en passer. Par contre, je me sens capable de faire le deuil sur le côté exhibitionniste du métier, comme les télés ou les obligations promotionnelles.

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Zazie sera l'invitée de D6Bels On Stage sur La Deux le 4 avril prochain

Le 6/12 à Forest National.

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