
Engrenages « Avant la série, je n’aimais pas les flics »

Quelles sont les points communs entre Laure Berthaud et vous?
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Caroline Proust - Comme elle, je suis une fille passionnée. Je suis très franche aussi. La grosse différence est que j’arrive à allier ma vie de famille et ma vie professionnelle, ce qui n’est vraiment pas son cas, mais ça peut encore changer! Pour le reste, c’est un personnage qui m’habite parce que je le joue depuis longtemps et que je la connais. Je suis un peu devenue Laure Berthaud. Dans la vie, je fais des trucs de flic: si je vois une situation qui ne se passe pas bien, je peux intervenir et carrément prendre autorité. Un jour, des gamins ont tenté de voler mon sac et je les ai engueulés comme un flic le ferait, sans l’avoir prémédité. Il y a des situations comme ça, où je n’ai pas peur, comme si je récitais mon texte. C’est bizarre ! (Rires)
Vous pourriez aller régler les problèmes dans les banlieues aussi…
C. P. - Je pourrais, oui. Une fois, on était en train de tourner et je vois un type qui tombe dans les bras de Thierry (Godard qui joue le rôle de Gilou, un des membres de la brigade de Laure Berthaud, ndlr). J’ai cru que c’était un de ses potes ! Et puis il me voit, tout content, me raconte qu’il sort de prison et me dit : « Vous n’imaginez pas à quel point on vous adore en prison. On vous attend chaque semaine. » C’était extrêmement touchant de voir ce type qui nous remerciait de ce qu’on faisait, à l’endroit où les flics nous remercient aussi.
Ce succès, qui est international, comment le vivez-vous ? Il suffit de voir votre page Facebook où il n’y a quasi que des anglophones qui réagissent…
C. P. - C’est incroyable! Il y a aussi des Grecs, des Italiens, des Russes. En Angleterre, ils font des soirées où ils se déguisent dans nos personnages! C’est hyper agréable à vivre car en France, on n’est pas tant reconnus que ça vu que la série n’a été diffusée que sur Canal +. Mais grâce aux dvd, ça commence à changer.
A quoi vous attribuez ce succès à l’étranger?
C. P. - C’est dû, je pense, à l’audace des choix artistiques de Canal +. Entre nous, on a la sensation d’être des pionniers (Engrenages, qui date de 2005, est la première série produite par Canal +, ndlr). Les gens apprécient certainement l’alchimie entre les personnages. Et le fait que Laure est une héroïne qui n’est pas dans la séduction, très loin du glamour dans lequel on enferme souvent les actrices. Par contre, maintenant, je suis un peu prisonnière de ce rôle et du coup, je reçois peu de propositions qui pourraient m’en éloigner. Là, je vais tourner la seconde saison de Duel au soleil avec Gérard Darmon mais le réalisateur et la production ont dû se battre pour m’imposer car on leur a dit que j’étais « trop Canal ». Le metteur en scène, ça le rendait dingue. Du coup, comme je ne reçois pas de propositions, je suis devenue productrice, avec deux amis. Nous sommes entrain d’écrire un film sur l’injustice de la justice américaine
Vous avez beaucoup appris de la justice et de la police en tournant Engrenages?
C. P. - Enormément. Avant la série, je n’aimais pas les flics. Maintenant, je comprends la difficulté du métier et le sacerdoce que ça représente. S’ils font bien leur métier, ils mettent beaucoup de choses de côté et n’ont pas les moyens ensuite d’aller se payer des vacances sous les cocotiers ou dans des palaces. J’ai une grande empathie pour les policiers qui font bien leur travail mais j’exècre les connards qui tirent dans le dos d’un mec parce qu’il est Noir.
Celle de vos deux filles qui regarde Engrenages, elle en pense quoi?
C. P. - Elle n’a pas encore tout regardé car elle a un peu de mal à faire le distinguo entre sa mère et le personnage à l’écran. Elle a la même difficulté avec leur père (Clovis Cornillac, avec qui Caroline Proust a eu des jumelles, Alice et Lily, ndlr). L’autre refuse catégoriquement de nous voir sur un écran, elle n’y arrive pas. Par contre, du haut de leurs 14 ans, elles sont à fond dans Mentalist.
Vous en regardez, vous, des séries?
C. P. - J’en regarde, mais peu malheureusement, par manque de temps. J’adore The Wire. Dans les plus anciennes, il y a Profit. Et Taken, avec Dakota Fanning qui, avec son naturel, avait déjà tout compris du métier d’actrice. Moi, j’ai mis des années à arriver à me lâcher, à faire comme si c’était normal.
Vous vous voyez jouer encore longtemps Laure Berthaud?
C. P. - C’est simple: si je m’ennuie, j’arrête. Je demande donc aux scénaristes d’écrire des situations nouvelles. Mais tant que je m’amuse, je continue. Sans oublier que les gens me supplient de ne pas arrêter!
Vous venez de jouer Un été à Osage County de Tracy Letts, au théâtre. C’est un texte jouissif, non?
C. P. - Absolument. C’était surtout un challenge énorme car comme je remplaçais une actrice au pied levé, je n’ai eu que neuf jours pour apprendre le texte. Je me suis donc mise une semaine en apnée, et d’avoir fait ce truc m’a rassurée sur mes capacités!
Quels sont les autres auteurs qui vous ont enchantée au théâtre?
C. P. - C’est très bateau mais j’adore Tchekhov. J’ai eu la chance de jouer le rôle d’Anna Petrovna dans Platonov. J’ai aussi adoré jouer Marivaux qui a un emploi de la langue française absolument sublime, et qui est d’une précision dingue et irréprochable.
Sur votre page Wikipedia, on peut lire que vous rêviez de devenir chanteuse…
C. P. - Mais nooon ! D’abord, ma page Wikipedia, je ne m’en occupe pas. J’ai dit ça dans une interview, il y a très longtemps et ça a été mis là. Quand j’étais petite, j’ai eu, peut-être pendant une année, le désir de devenir chanteuse. Je chantais très bien, j’étais dans une chorale. Cette année-là est sorti Shang Shang a Lang de Sylvie Vartan. Sur la pochette, elle porte un maillot bleu brillant, assise sur une étoile, et j’ai fantasmé là-dessus comme une dingue. Mais bon, c’est moins glam de dire que j’ai aussi voulu être archéologue ou institutrice ! (Rires)