
Gossip: le harcèlement à portée de clic

En Belgique francophone, le harcèlement scolaire concerne un élève sur trois (15 % de victimes, 10 % de harceleurs et 5 % de harceleurs-victimes), selon une étude de l’Université de Mons. Et le phénomène pourrait bien gagner en amplitude et en intensité à la rentrée prochaine, avec l'arrivée de nouvelles applications pour Smartphones, comme Gossip ou Chuck, qui font actuellement polémique en France. Les noms de ces applis françaises (aux Etats-unis, elles s'appellent Secret ou Yik Yak et soulèvent la même polémique) sont directement inspirés de la série télé Gossip Girl où une bloggeuse anonyme sème le chaos dans des écoles huppées de New York en publiant des rumeurs.
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Le principe: l'utilisateur lance anonymement ou reçoit des "rumeurs" ("Gossip" signifie "potins" en anglais) en 140 signes maximum, concernant ses contacts téléphoniques ou Facebook. Exemples (réels): "Solène s'est fait dévierger par Thomas", "Vincent a un micropénis" ou "Chloé a les dents plus jaunes que ses lunettes"… Le message apparaît pendant 10 secondes avant de disparaître, même si on peut le conserver via une capture d'écran. Il est également possible de poster, toujours anonymement, une "preuve" sous forme de photo ou de courte vidéo, elle aussi éphémère. Evidemment, comme toujours, l’anonymat libère la méchanceté, tout comme sur le réseau social Ask.fm, mis en cause dans plusieurs suicides d'ados, dont celui de Louise, à Namur en 2014. D’autant que si la victime refuse de télécharger Gossip, elle ignore ce qui circule à son sujet… Savoir ou ne pas savoir, on ignore ce qui est le pire.
"J'ai été un peu naïve"
Face au risque évident de cyber harcèlement, des syndicats de lycéens ont demandé l'interdiction pure et simple de l'appli. De son côté, la ministre française de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, a appelé à une "extrême vigilance", encourageant même directeurs et parents à porter plainte en cas de dérapage. Cindy Mouly, 25 ans, créatrice de Gossip, s'était dans un premier temps vantée des 10.000 téléchargements de son appli. Mais face au tollé, elle s'est défendue, arguant qu'elle destinait au départ Gossip à un public de 20 à 35 ans, pas à des lycéens. "J'ai été un peu naïve. Il y a eu une erreur sur iTunes qui a permis aux internautes de s’inscrire dès l’âge de douze ans", a-t-elle déclaré à l’hebdo Madame Figaro avant de suspendre l'appli quelques jours; officiellement pour "mettre en place un système de modération plus élaboré". Depuis lundi dernier (8/6), l'appli est de retour; mais Cindy Mouly refuse désormais toute interview. Naïve ou cynique, son "invention" fera encore couler beaucoup de fiel et d'encre. En espérant qu'elle ne fera pas couler de sang.