Bert Kruismans: "Il nous manque un JT national bilingue"

L'humoriste à la moustache bien pendue plaide pour le rapprochement communautaire. Le vrai.

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C'est sans doute notre seul comique bilingue. Star en Flandre, invité régulier sur les ondes francophones, le créateur du spectacle La Flandre pour les nuls jongle et manipule les clichés avec la même aisance, quel que soit le côté de la frontière linguistique où il se produit.   

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Une énième étude conclut que francophones et Flamands ne sont finalement pas si différents, ça vous étonne?

Bert Kruismans - Pas du tout! En période de tensions communautaires, les quelques différences qui nous séparent sont exploitées et amplifées par la classe politique. Il y a quelques années, on n'avait plus rien en commun, il y avait dans ce pays "deux démocraties", "deux opinions publiques" inconciliables. Sauf que depuis, on a scindé BHV. Et le gouvernement ne parle plus de communautaire, il parle d'argent. La tension a baissé, d'autres voix se font entendre. Moi, ça fait des années que je répète dans les deux langues que les Belges ont beaucoup en commun. Mais ils ne le savent pas. Ou plus. Pourtant, vous savez, je donne des spectacles du nord des Pays-Bas au sud de la France. Et ceux qui me sont le plus proches, sans hésitation, ce sont les Wallons. En fait, on aurait besoin de plus d'occasions de se rencontrer dans ce pays. Et pas seulement à la Côte belge, à Durbuy ou à La Roche-en-Ardenne. Ça devrait se faire aussi à Charleroi ou à Chapelle-lez-Herlaimont. Mais bon, c'est vrai, les Flamands n'y vont pas souvent... 

En attendant, qu'est-ce que vous préconisez pour renforcer ce lien entre les Belges?  

B.K. - Ce qui nous manque, c'est une sorte de JT national bilingue. Avec des sous-titres. Déjà, tout le monde recevrait la même info. Ou alors pourquoi pas un talk-show coprésenté par deux grandes figures de la télé flamande et francophone, où seraient invités des sportifs, des artistes, des Matthias Schoenaerts, des Philippe Gilbert, des Arno, qui seraient interviewés dans les deux langues. J'en ai déjà parlé aux responsables de la RTBF. Mais ils me disent que ce n'est pas possible: les francophones ne liraient jamais les sous-titres! 

Selon vous, quels sont les pires clichés qui courent chez nous sur les Flamands? 

B.K. - Qu'ils sont arrogants, qu'ils sont tous nationalistes et que quand ils sont nationalistes, ils sont automatiquement racistes. Même si, toutes les études le montrent, la thèse du Flamand plus raciste que le Wallon, ça ne tient pas debout. Et le fait que la Wallonie vote plus à gauche n'y change rien. 

Pourtant, l'image d'une Flandre conservatrice, de droite et recluse dans ses bungalows est encore tenace...

B.K. - La Flandre n'est pas spécialement à droite, elle est riche. Et quand on est riche, on est atteint par la peur de perdre. On se prononce en faveur de la solidarité quand on se sent en danger. Si les Wallons étaient plus riches, ils voteraient comme des Flamands. On voit le même phénomène dans le nord de l'Italie, en Catalogne, en Écosse. En Belgique, on s'imagine qu'on est particulier, que ce n'est pas la même chose, que c'est une longue histoire très particulière, que ce n'est pas comparable et blablabla. Sauf que c'est exactement la même chose.

Y a-t-il des clichés sur les Flamands qui sont vrais?

B.K. - On va dire qu'ils sont moins en retard que les Wallons! (Rire.) Et qu'ils sont un peu plus stressés, aussi. Moi, je crois que les Wallons sont plus gentils parce qu'ils ont plus d'espace. Nous, on a des villes, vous êtes plus à l'aise à la campagne. En fait, on est toujours le Wallon de quelqu'un. Quand je travaille aux Pays-Bas, je passe pour un sudiste. Les Hollandais disent des Flamands ce que les Flamands disent des Wallons.

Ce côté gentil des Wallons, ce n'est pas plutôt une tendance au consensus un peu mou?

B.K. - Les échanges et les débats d'idées sont plus vifs en Flandre. Vous, les francophones, vous craignez plus que nous d'être politiquement incorrects. Et vos médias sont plus policés, peut-être plus hypocrites, aussi. Alors qu'en Flandre on me trouve très gentil et poli, à la RTBF, parfois, je vois des sourcils qui froncent: "Mais comment ose-t-il dire des choses pareilles!"

Retrouvez notre dossier “Le Flamand, ce voisin qui nous ressemble” dans Moustique.

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