

Au risque de simplifier un peu, on peut résumer une élection présidentielle américaine comme suit: d'un côté, les électeurs démocrates votent pour le candidat démocrate. Et pour personne d'autre. De l'autre, l'électorat républicain fait exactement la même chose. Dans un pays fortement divisé comme les USA, le shopping électoral est un phénomène quasiment inexistant.
C'est culturel. En exagérant à peine, les Démocrates considèrent les Républicains comme des bigots attardés et des cul-terreux. Ce derniers, en retour, les voient "comme d'affreux élitistes qui passent leur temps à lire le New York Times, en alternant frappuccinos et salades à la roquette", comme nous le rappelait lors de la dernière présidentielle ce politologue de l'Université de Californie. Donc, pour caricaturer un peu les choses, tant chez les électeurs démocrates que républicains, on vote pour le candidat présenté par son parti. Que ce soit un clown, un animal ou un psychopathe.
Côté démocrate, Hillary Clinton semble d'ores et déjà assurée de remporter l'investiture de son camp. En novembre, elle portera les couleurs de la gauche américaine. Côté républicain, il se pourrait bien, justement, que le candidat qui s'impose lors des primaires soit justement un clown, un animal ET un psychopathe… Parce que parmi les 16 personnalités qui se disputent actuellement l'investiture aux prochaines présidentielles, Donald Trump caracole actuellement en tête des sondages.
Qui est Donald Trump? Un milliardaire au brushing incertain ayant réussi dans l'immobilier et dont la fortune, estimée à 4 milliards de dollars, l'autorise à financer sa campagne tout seul. Et donc à dire ce qu'il veut. Y compris n'importe quoi. Exemple récent: "Lorsque le Mexique envoie ses gens, ils n'envoient pas leurs meilleurs éléments. Ils apportent la drogue, de la délinquance. Ce sont des violeurs." Ou encore, dans une prise de bec avec le sénateur républicain et vétéran du Vietnam John McCain: "Ce n'est pas un héros de guerre. C'est un héros de guerre uniquement parce qu'il a été capturé. Moi, je préfère les personnes qui ne se font pas capturer." Ou enfin, levant le voile sur ce qui pourrait constituer sa politique étrangère: "C'était quand la dernière fois que les États-Unis ont gagné face à la Chine dans le cadre d'un accord commercial? Moi, dans mes affaires, les Chinois, je les bats. Tout le temps."
Certes, la liberté de ton de Donald Trump fait mouche au sein d'un électorat républicain de plus en plus suspicieux à l'égard du système. Mais c'est plus tard que les choses devraient se gâter. On l'a dit, si Donald Trump devait emporter l'investiture républicaine, il rassemblera, même malgré lui, l'électorat républicain. Sauf que ce n'est pas comme cela qu'on arrive à la Maison-Banche. Les réservoirs de voix républicain et démocrate étant plus ou moins égaux en importance, aux États-Unis, l'élection présidentielle se gagne désormais "au milieu". En conquérant le cœur des modérés, des indécis. Ils sont moins nombreux, mais déterminants. Ce sont ces précieux "électeurs flottants" qui font la différence dans un scrutin qui se joue sur le fil du rasoir. Pas sûr qu'une personnalité aussi tranchée que celle de Donald Trump remporte leurs suffrages.
Curieusement, la droite américaine, qui n'a pas remporté l'élection suprême depuis plus de dix ans, n'a toujours pas pu remédier à ce problème. Comme si elle croyait devoir parier encore et toujours sur des clones de George Bush. Vous vous souvenez de Sarah Palin, candidate à la vice-présidente en 2008? À l'époque, elle n'avait déjà rien à envier à Donald Trump: "Quoi, il existe deux Corée?", ou encore le délicieux "Si Dieu ne voulait pas que nous mangions les animaux, pourquoi les a-t-il faits en viande?" À l'époque, avant qu'elle n'échoue dans les grandes largeurs lors du scrutin, un analyste politique américain concluait déjà: "c'était chouette un moment... Et puis les Américains ont rallumé la lumière”.