Quand l’état d’urgence devient permanent

En France, le plan Vigipirate a 20 ans. En Belgique, voici ce qui nous attend.

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C’est le genre d’anniversaire qu’on préférerait zapper. Reste que cela fait déjà deux décennies que des soldats en rangers, gilets pare-balles et fusils automatiques au poing, se mêlent aux badauds dans les gares, les aéroports et aux abords des sites touristiques français. En alerte vigilance dans tout l’Hexagone et en alerte attentat en Île-de-France, ce dispositif a été déclenché le 8 septembre 1995 à la suite de l’explosion d’une voiture piégée devant une école juive de la banlieue lyonnaise. Vingt ans plus tard, ce “plan conjoncturel d’exception” - encadré par aucun texte de loi et dont nombre de mesures sont couvertes par le secret-défense - est devenu la norme.

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7.000 militaires, 30.000 policiers, 5.000 lieux surveillés. Le plan Vigipirate déploie des moyens considérables pour lutter contre le terrorisme. Reste que son impact fait de plus en plus débat. Parce qu’il est logiquement impossible de mesurer ce qui ne s’est pas produit, d’abord. Parce que malgré son arsenal, il n’a pas non plus pu empêcher les tueries de Toulouse en 2012 ni celles de Charlie Hebdo au début de cette année. Selon les spécialistes, il consisterait d’ailleurs principalement à rassurer les citoyens. Interrogé par Le Monde, le lieutenant-colonel Jean-Hugues Matelly, à la tête de la première association professionnelle de gendarmes, confirme : “Vigipirate est devenu un outil bien plus politique que sécuritaire…” Et tout le monde s’accorde à dire qu’aucun politique n’oserait prendre le risque d’y mettre fin, de peur de se le voir reprocher en cas de nouvelle attaque.

D’autant que plus aucun badaud français ne semble s’en émouvoir. L’habitude est une entrave à la liberté, martelait l’écrivain américain Ambrose Bierce. Une entrave que l’on commence à tolérer chez nous aussi. Malgré les gros yeux de l’un ou l’autre navetteur, plus personne ne semble en effet s’étonner de la présence de militaires dans nos rues. Déployé il y a tout juste huit mois, le plan Vigipirate à la belge a donc été prolongé jusque fin septembre. Vu l’ampleur de la menace terroriste et notre incapacité à la freiner, gageons qu’on en prenne, nous aussi, pour vingt ans. 
 

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