
Stromae ou la dictature du buzz

Avec sa tournée aux Etats-Unis, Stromae recycle ses clips et autres images vieux de deux à trois ans pour faire l'actu. Comment en est-on arrivé à hurler au génie à chaque geste, à chaque vidéo de Stromae? Dépositaire d'une nouvelle façon de communiquer autour de la musique, Stromae a réussi à se rendre indispensable et donc à piéger, en tout bien tout honneur, les médias. Tout simplement.
Stromae est un génie. Qu'on l'aime ou qu'on le déteste, l'artiste possède un talent rare pour composer des morceaux imparables et faire parler de lui avec des clips impeccables et des happenings puissants.
De "Alors, on danse" à "Carmen", l'artiste réalise un sans-faute. Bravo Maestro! Interviews rarissimes, informations au compte-gouttes (que sait-on exactement de ses accidents et maladies? Comment se vendent les tickets de sa tournée américaine?), communication cadenassée au sein de son équipe (Universal est plus son partenaire que son patron), il maitrise parfaitement la nouvelle maquerelle du marketing musical: la viralité. Et comme tout le monde chasse le clic, le Belge oblige tout le monde à le suivre dans la danse.
On rappellera comment il a piégé tout le monde avec les images de "Formidable", on sourira d'avoir relayé l'ouverture de son compte Instagram qui n'était qu'un outil de promo pour son clip "Carmen" (plus une photo postée depuis lors), on s'interrogera sur ceux qui trouvent encore "incroyaaaaable" de le voir grimé mi homme mi femme et on s'avouera vaincu à ce jeu du chat et de la souris dont il sort systématiquement gagnant
Bien sûr, Paulo n'est pas un cas isolé. Loin de là… Toute une génération d'artistes a modifié le mode de communication traditionnel allant de la maison de disques aux médias.
Du producteur au consommateur
Comme le révèle le reportage de Média Le Magazine (voir vidéo ci-dessus), les chanteurs et groupes, de Stromae à Taylor Swift, communiquent désormais directement vers leurs fans. Sans attaché de presse (visible) ou communiqué réservé d'abord aux journalistes.
L'album, mètre-étalon des critiques musicales, est devenu, bien souvent, le produit de bout de chaine. Là, où tout a déjà été entendu sur la chaine Youtube, le compte Instagram ou la page Facebook. Même le site web est dépassé. Rares encore sont les radios qui ont réellement l'exclusivité d'un morceau. Comme en agriculture, les artistes privilégient le circuit court: du producteur au consommateur. Pour des raisons économiques mais aussi bien souvent pour des raisons pragmatiques: le marché de la musique est tel qu'il est de plus en plus fréquent et obligatoire pour un artiste de s'auto-produire.
Avec un contact immédiat, si on ferme les yeux sur les équipes de com' qui interfèrent souvent entre l'artiste et le fan, l'impression de partager immédiatemment la vie des stars est devenue la norme. En France, si les plus jeunes comme Big Flo & Oli sont derrière leurs différents comptes, les plus âgés ne sont pas en reste. Le désormais à nouveau guitariste de "presque-Téléphone", Louis Bertignac est lui aussi un accro aux réseaux sociaux et les utilise pour teaser un nouveau morceau, partager sa vie en studio voire chercher des meubles pour sa maison (véridique). Le groupe-phare des années 90, Louise Attaque, prépare son retour et n'attendra pas la sortie de son album pour tout dévoiler des nouveaux morceaux.
Cette réalité oblige à se réinventer et à créer de nouveaux modèles, voire de nouveaux métiers. Et à être attentif à ce qui fera sensation, non pas demain, mais ce soir! Quant aux médias, ils doivent à être à l’affut des nouveautés qui demain seront vos buzz.