
Philippe Geluck «J’ai été voir une fois ce qu’on disait de moi sur Internet, plus jamais»

Il publie un nouvel album (en fait, trois mini dans un coffret) – Le Chat fait des petits. Il est remonté sur les planches pour en faire la promo. Il a dit à Anne-Sophie Lapix, la présentatrice de C à vous qu’elle l’avait reçu «comme un moins que rien» et il prépare déjà le musée du Chat qui doit ouvrir à Bruxelles en 2019. En attendant, son travail a-t-il changé depuis janvier et les attentats à Charlie Hebdo et à l’Hyper Cacher? «Ça n’a rien changé dans ma façon de travailler, explique Philippe Geluck. Ça m’a broyé de chagrin, J’ai dit qu’il me semblait que le temps de l’insouciance était terminé. Je me suis fait allumer par une polémique parce que j’ai dit que la couverture de Charlie après les attentats (celle avec Mahomet et "Tout est pardonné" - NDLR) était dangereuse. Et elle l’était, elle a généré des manifestations et des morts dans certains pays. Je disais qu’il fallait s’arrêter pour réfléchir. Je pense que ça n’apporte pas grand-chose de continuer à dessiner le Prophète si ça enclenche de l’incompréhension et de la violence.»
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Comment dès lors soutenir les défenseurs de la liberté d’expression, ceux qui revendiquent le droit au blasphème? «En Belgique, en France, en Europe, nous avons une tradition de la presse satirique, et anticléricale, unique au monde, poursuit Geluck. Nous avons connu cet apprentissage du second degré - forme sophistiquée de l’humour -, cette conquête de la liberté d’expression. Avec Internet, des dessins qui sont destinés à un public très limité et qui réclame du trash atterrissent sous le nez de personnes qui n’ont pas du tout cette culture, qui n’ont pas la notion de caricature. Comment est-ce compatible? En visant les intégristes, faisons attention à ne pas blesser inutilement ceux qui vivent leur foi tranquillement.»
Internet – justement, parlons-en. «Je ne suis pas hyper à l’aise avec ça, poursuit le dessinateur. Ce qui me semble malheureux sur ces réseaux sociaux, c’est que la lettre anonyme devient un éditorial de presse. Des gens non formés à l’information se permettent de diffuser massivement des messages haineux, détestables. On fait d’amateurs des lanceurs d’informations.» Même si la parole libre sur Internet reste un signe de démocratie? «La démocratie comme la liberté absolue, inconditionnelle et non encadrée me semble être un leurre. La démocratie nécessite des règles. L’espace de liberté absolue sur Internet est chaotique et le chaos ne me semble pas être la meilleure façon de vivre ensemble. Les lois qui doivent régir Internet sont à inventer…» Quant à l’image que la toile renvoie de sa propre réputation, Geluck a compris la leçon. «J’ai été voir une fois ce qu’on disait de moi sur Internet, plus jamais. Je suis tombé sur un site qui déversait des tonnes de boue, j’ai eu l’impression de prendre sur la tête une coulée de vomi et d’excréments tant c’était horrible… »