Charlie Hebdo: La peur en direct

Les attentats en France, en 2015, ont mobilisé toutes les chaînes. Un peu trop, selon certains. Elles auraient participé à la création d’un climat d’insécurité.

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Le 7 janvier, cela fera un an jour pour jour que les bureaux de Charlie Hebdo étaient attaqués. Des millions de spectateurs découvraient minute par minute, quasi en direct, les images du carnage, la traque des responsables. La majorité des chaînes offraient alors une couverture complète des événements. Comme lors des attentats du 13 novembre. Pour beaucoup, la presse a parfaitement joué son rôle d’information. Mais d’autres s’agacent d’un suivi trop envahissant, voire suscitant un sentiment d’insécurité. Ceux-là devront s'éloigner du poste ces jours-ci, vu les nombreuses rétrospectives proposées pour la commémoration des attentats de Charlie Hebdo (voir ci-contre).

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Bruno Clément, tout nouveau patron des JT de la RTBF et présentateur bien connu de Questions à la une, n'est pas de ceux-là. "Je suis persuadé que ce n’est pas la manière dont les journalistes traitent l’information qui la rend anxiogène. C’est malheureusement le fait lui-même qui est terrible. Des attentats comme ceux de Charlie Hebdo ou de Paris sont tellement graves qu’on peut comprendre qu’ils traumatisent une partie de la population. Peut-être que certains journalistes exagèrent. Mais globalement, en Belgique, je trouve que la plupart d’entre nous ont traité de manière digne et respectueuse les récents attentats."

En fait, dans l’urgence de la situation, la plupart des journalistes avouent ne tout simplement pas se poser la question, comme l'explique Laurent Haulotte, directeur de la rédaction et des sports de RTL Belgique. "On ne va pas se dire "je vais éviter d’être anxiogène". Cela n’a pas de sens. Il s’est passé un événement d’une violence inouïe. Notre travail est d’en rendre compte. Et surtout éviter de dire des choses dont on n’est pas certains. C’est plus l’exactitude des faits qui nous préoccupe. Pour le reste, on ne peut pas diminuer la violence des faits. Par contre, quelques jours après, on peut se poser des questions. Se demander comment revenir sur les événements de manière claire et sans systématiquement remontrer des images de violence qui peuvent réalimenter un climat d’inquiétude."

Dénoncer la peur instillée par les médias, est-ce faire le jeu des terroristes?

Les deux responsables de l’information s’accordent. "Cela dit, je suis d’accord avec l’idée qu’il faut toujours faire attention. Il est nécessaire de rester mesuré et ne pas virer dans le dramatique ou le sensationnaliste. Je suis bien conscient que l’actualité récente a pu traumatiser beaucoup de gens. On peut ajouter que nombreux sont ceux qui, lors des attentats récents, ont abondamment consommé l’information. Ils ont énormément regardé la télévision, ils ont lu, ils ont écouté la radio. Pendant six, dix, vingt heures d’affilée! L’excès nuit en tout. Il est possible que certains d’entre eux soient tombés dans une sorte de paranoïa, de peur exacerbée", analyse Bruno Clément. 

Le problème pourrait-il résider dans la diffusion d’information en continu? "Non, je ne le pense pas. En Belgique, quand les événements le justifient, les grandes chaînes se transforment en chaînes info et prennent l’antenne en direct. Ce qui est un exercice très difficile. Mais nous sommes prudents. Pendant les perquisitions à Molenbeek, par exemple, nous avons fait le choix de ne pas diffuser certaines images en direct. On aurait pu mettre en danger le bon déroulement des opérations. Autre impératif: éviter d’entrer dans un mécanisme de concurrence par rapport aux autres chaînes. Tout en n’oubliant pas qu’on fait de la télévision pour être regardés. C’est un équilibre. Mais je pense vraiment qu’on a tous fait ça très professionnellement", précise Laurent Haulotte. Et de conclure: "Dire que les médias alimentent un climat de peur, je trouve ça un peu fort. Il ne faut pas se tromper: les coupables, ce sont les terroristes".

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