
Yann Moix: la fureur du samedi soir

On le dit imprévisible. Capable des pires explosions impudiques, usant et abusant de son érudition comme d'une mitraillette aux munitions infinies. On le dit également brillant, loyal, provocateur. Et un brin tête à claques. Tout le monde a un avis sur Yann Moix. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Son parcours est aussi riche que bordélique. Goncourt du premier roman 1996 avec Jubilations vers le ciel, réalisateur de Podium, énorme succès en salle, habitué des plateaux de télévision, chroniqueur pour Le Figaro, Le Point ou encore Marianne, et enfin Prix Renaudot en 2013 avec son livre Naissance, c'est loin d'être un puceau médiatique. Pourtant, il aura fallu une nouvelle casquette, celle de sniper chez Ruquier, pour qu'on parle vraiment de lui. Et qu'on le reconnaisse dans la rue. Cette soif de célébrité, il l'avoue ouvertement du haut de ses 47 ans, même si ses millions de téléspectateurs du samedi soir ne sont pas tous des lecteurs potentiels de ses livres.
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Yann Moix nous tient éveillés les samedis soir après 23 h, portés par un mélange d'appréhension et de curiosité.
Avant de succéder à Aymeric Caron et Eric Naulleau, l'écrivain passionné par le judaïsme avait pris pour habitude de parler de lui en long, en large et en travers. Un exercice auquel il se plie avec style dès les premières pages de Naissance qui s’ouvre sur cette phrase: "Après trois essais de mauvais goût, Yann Moix, fasciné par Yann Moix (il ne partage, au monde, ce triste privilège qu'avec lui-même), revient avec un roman autobiographique qui se voudrait grand, mais qui, in fine, n'est que gros". Ses failles, il les a déjà toutes étalées. Et c'est toutes tripes dehors qu'il s'affiche, conquérant, sur le plateau de France 2, chaque samedi depuis septembre.
Ce poste, il en rêvait depuis cinq ans. Il avait déjà failli l'obtenir en duo avec Michel Onfray, jusqu'à ce que ce dernier se rétracte, à sa grande déception. Chroniqueur dans On va s'gêner et penseur des Grosses Têtes sur RTL, Yann Moix parviendra finalement à prouver à Laurent Ruquier qu'il n'est pas nécessaire de l'associer à un autre nom pour que le spectacle soit de qualité. Sur le ring d'On n'est pas couché, l'ami de longue date de Bernard-Henri Lévy a façonné son image de dézingueur cultivé au fil de la saison, plaçant ses pions sans jamais définir sa ligne politique. En se prenant des pelles et des râteaux, puis en réajustant ses interventions. Tout, chez lui, est réfléchi pour cultiver le paradoxe. De la chemise ouverte laissant apparaître son torse velu, à ses critiques annotées et référencées, en passant par sa communication non verbale. Des chroniques calculées pour faire sortir les invités de leur cadre et surtout, de la promo consensuelle. De la chair à pâté pour les sites qui turbinent aux buzz et diffusent ses joutes verbales semaine après semaine. La preuve avec Mathieu Kassovitz, venu pour défendre le livre Manifeste contre le gaspillage d'Arash Derambarsh qu'il a préfacé. L'échange, musclé, dérange. Yann Moix étaie ses arguments de piques personnelles envers un Kassovitz déjà passablement énervé, tout en maintenant un rictus tordu. L'écrivain le sait, toutes les attaques font encore plus mal avec le sourire. Et ça ne manque pas, le réalisateur de La haine sort de ses gonds. "Mais arrête de sourire, mec, sois normal!", ce à quoi Moix rétorque: "Quoi, vous allez me frapper?"