La tentation de la haine

Hooligans, skinheads et autres nazillons ont marché sur Bruxelles pour "lutter contre Daech". Et surtout s'opposer à la marche contre la haine et les amalgames. Après les bombes, doit-on craindre les bombers? Reportage au cœur de "l'autre menace".

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​Le dimanche 27 mars à la Bourse de Bruxelles une vague noire de 400 hooligans venait troubler l’hommage rendu par les badauds aux victimes des attentats. Dans un pays certes sous le choc mais dont la population semble plus encline à chanter la cohésion qu'à succomber aux sirènes de l'état d'urgence, cet accroc paraît d'autant plus curieux que la police et la ville de Bruxelles savaient manifestement que ces agités projetaient de se réunir à la gare de Vilvorde et de défiler à la Bourse, malgré l’interdiction de la "marche contre la peur" initialement prévue. Fleurs piétinées, insultes, saluts nazis, coups de poing… En sous-effectif, les forces de l’ordre attendront une heure avant que les autopompes ne débarquent et dispersent cette foule obscure. La question pouvait se poser: ce 22 mars, a-t-on déroulé le tapis rouge aux chemises noires?

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Sur le Facebook hooligan: "La prochaine fois, je vous suis. On est tous unis contre Daech". Signé Mohammed.

Avant d'y répondre, peut-être faudrait-il dresser un peu plus précisément le profil de ces mystérieux hooligans. Pour être de bon compte, nous avons donc mis de côté tout réflexe gauchiste et tendu la joue droite. Très à droite. Puis  marché avec eux. Premier arrêt à la très protégée gare du Luxembourg, au cœur du quartier européen de Bruxelles, où nous attend Hervé Van Laethem, secrétaire politique du mouvement Nation. Figure bien connue de l’extrême droite belge la plus radicale, ex-chef du groupe néonazi L'Assaut, plusieurs fois condamné pour racisme, l’homme est suspecté d’avoir envoyé ses activistes à la Bourse ce jour-là.

"Au lieu de se rendre dans un café, allons plutôt dans un local que nous prête le APF (Alliance for Peace & Freedom) si vous le voulez bien." Comme son nom ne l’indique pas, notons que ce mouvement européen partenaire de Nation prône notamment l’ultranationalisme, l’arrêt immédiat de "l’invasion migratoire" ou le retour aux valeurs chrétiennes traditionnelles. Notons aussi que le dit "local" se révèle être un joli bureau lové à un jet de pierre de la place du Luxembourg.

Les patriotes de la Bourse

"Est-ce que des militants de Nation aiment le foot? Oui, comme partout. Est-ce qu’ils étaient présents à cette manif? En tout cas, je ne suis pas au courant. Nous, on a rendu hommage la veille devant le métro de Maelbeek (hommage aux cris de "Islamistes, hors d’Europe!" - NDLR) parce que la marche de dimanche se dégonflait. Mais nous soutenons bien évidemment les patriotes de la Bourse." Avant de reconnaître quelques ratés au niveau de leur communication. "Même s’ils venaient là pour rendre hommage, 450 mecs qui débarquent tout de noir vêtus sans rien à dire à personne, cela fait peur." Parole d’ex-militaire. Et de pointer les provocations des gauchistes qui auraient mis le feu aux poudres.

Version partagée par Rudy, administrateur de la page Facebook de la Dutch Belgium Ultra Hooligan Scene et qui se trouvait par hasard, dit-il, devant la Bourse le 27 mars. "J’étais venu me recueillir avec mon fils de huit ans et je dois bien avouer que j’ai moi-même été surpris de voir débarquer cette armée de mecs costauds, bruyants et aux crânes rasés. Mais lorsqu’ils se sont approchés du mémorial, ils se sont arrêtés de crier et j’ai compris qu’ils étaient là pour se recueillir et non pour se battre. Tous unis contre le terrorisme, c’était vraiment impressionnant! Mais ils se sont ensuite fait traiter de racistes par des gens d’extrême gauche. Alors qu’il y avait des gens de couleur parmi ces hooligans. Je suis contre la violence mais je comprends parfaitement leur réaction."

Avec Anne-Cécile Huwart

La suite dans le Moustique du 6 avril 2016

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