
Radiohead de retour sur scène: on y était

Ce week-end, en Europe, il y avait deux événements majeurs : le Doudou, dans l’arène, à Mons. Le retour de Radiohead, sur scène, à Amsterdam... Quelques heures avant le dragon montois, la bande d’Oxford faisait ainsi son baptême du feu, ouvrant sa tournée au Heineken Music Hall, vaste complexe sponsorisé et sensiblement aseptisé. C’est donc ici, au cœur de ce bloc de béton situé à deux pas du stade de l'Ajax d'Amsterdam que Radiohead a choisi de remonter sur le terrain.
La formation anglaise débarque aux Pays-Bas avec un nouvel album sous le bras : un petit chef-d’œuvre baptisé "A Moon Shaped Pool". Cette tournée, c’est donc avant tout l’occasion de faire les présentations, d’amorcer ce neuvième essai en public. Cartésien, fidèle à son image de géomètre de la pop moderne, Radiohead attaque les choses dans un ordre ultra logique ("Everything in Its Right Place", chez eux, c’est un leitmotiv). Burn the Witch, Daydreaming, Decks Dark, Desert Island Disk, Full Stop. Soit les cinq premiers morceaux du petit dernier. Ici, l’assistance se prend déjà deux coups de fouet (les versions de Daydreaming et Full Stop sont éblouissantes).
Aux Pays-Bas, la loi, c’est la loi. Alors, ça ne rigole pas avec les normes acoustiques. Les décibels sont limités, mais ça n’empêche pas les gens de vivre, de parler et, surtout, de chanter… Là, gros souci : écouter les tubes de Radiohead (Lucky, Karma Police ou Street Spirit en tête) chantés en anglais par les Hollandais, c’est quelque chose… Dans ces moments-là, on pleurerait pour quelque DB’s de plus… Histoire d’entendre la voix de Thom Yorke, de s’oublier totalement dans ces trésors du passé.
Pendant deux heures et vingt minutes, Radiohead passe en revue les avancées produites au cours des vingt dernières années: des portes ouvertes sur le rock, la pop, l’électro, le folk, le néo-classique, les musiques de film. Autant de genres que la formation magnifie depuis longtemps dans des chansons aventureuses, toujours ambitieuses (un brin prétentieuses, certes, mais peut-on réellement leur reprocher à un tel degré de méticulosité ?). De bout en bout, le show caresse la perfection. Musicalement, ça tourne même à la démonstration. Et c’est là, et là seulement, que l’on peut adresser un reproche aux Anglais: ils donnent parfois l’impression de jouer pour eux, derrière une vitrine. Genre galerie d’art à Soho. Ou boutique chic de Shoreditch. À trop maîtriser son sujet, Radiohead oublie parfois de partager avec son public.
Bump sur la tête – un rond de cheveux rassemblé sur l’arrière du crâne comme un pain-burger sur le sommet d’un double-cheese –, Thom Yorke emmène le concert où il veut et comme il l’entend. Ultra classe malgré cette faute de goût capillaire, le chanteur profite du retour aux affaires pour réhabiliter le mal-aimé "The King of Limbs" (Give Up The Ghost, Bloom, Lotus Flower) et donner du poids aux morceaux de l’excellent "In Rainbows" (Bodysnatchers", All I Need, Nude) : deux disques qui s’imbriquent parfaitement dans le menu de la soirée. À un moment, il feint de jouer Creep avant de se rebiffer avec malice et de rediriger le flux (électronique) vers les points culminants de l’album "Kid A". Essentiellement concentré sur le dernier album et la deuxième moitié de carrière du projet, le concert n’est pas conçu comme un lieu de pèlerinage. Radiohead s’affirme au présent, toujours en mouvement. Libre de ses choix esthétiques et de ses convictions artistiques. Un groupe incontournable.