
L’empire télé contre-attaque

On a cru la télévision moribonde, à force de lire partout qu’elle était dépassée, supplantée par Internet, désertée par le jeune public, ridiculisée par Netflix. Et pourtant, le petit écran bataille sec pour maintenir son trône dans le cœur des téléspectateurs et livre à chaque rentrée une flopée de nouvelles idées. Un casse-tête qui est de plus en plus complexe face à la multiplication des chaînes et la division des audiences. Pour se différencier, se renouveler et surtout faire rentrer des sous dans le tiroir-caisse, les acteurs des médias se creusent la tête, se prennent les pieds dans le tapis, imaginent des concepts parfois improbables et parfois excellents. Ce mouvement qui agite tous les cerveaux en état de marche à la fin du printemps annonce une autre épreuve, moins créative, celle des bilans. Mais si la saison a été agitée, les équipes de télé n’ont pas à rougir de leurs prestations: la plupart des essais sont un succès.
“Nous avions fixé plusieurs objectifs pour cette saison 2015-2016, notamment ceux de poursuivre l’investissement dans la fiction et la production en augmentant encore le nombre d’émissions d’ancrage de proximité dans notre grille” déclare Stéphane Rosenblatt, TV General manager à RTL-TVI. Et il faut dire qu’ils ont plutôt réussi leur coup. Premier chambardement, celui de De quoi je me mêle!, présenté par Michaël Miraglia, fraîchement débarqué de la RTBF. Un talk-show à l’heure de l’apéro qui aura pris le temps de s’installer pour enfin trouver sa vitesse de croisière: “L’émission est largement leader dans sa case horaire, elle a su fédérer un public, même si nous sommes convaincus qu’elle peut encore se développer.” Même schéma pour C’est pas tous les jours dimanche de Christophe Deborsu. “Les débuts ont été un peu rock’n’roll, mais rapidement ce magazine politique a su s’imposer, jusqu’aux records de mai. C’est l’une de nos belles réussites. Mais il n’y a pas de secret, à notre époque, il faut pouvoir prendre le temps, même celui de se tromper.”
En face, sur la RTBF, Les décodeurs n’a pas connu le même sort, et pour clôturer le tout, son animatrice, Florence Hainaut, quitte le navire. “Comme toutes les émissions, elle doit évoluer. On va trouver d’autres formules pour qu’elle devienne plus magique” décrypte à son tour François Tron, le directeur des télévisions de la RTBF. “La télévision, c’est 50 % de marketing et 50 % d’intuition.” Pour le reste, le bulletin est plutôt très bon. Depuis 2008, les audiences des chaînes du service public sont passées de 19,4 à 24,3 % de parts de marché. “Ce qui m’importe, c’est qu’on ait un éventail de programmes très différents. Et on y est arrivés. Avec Le grand cactus au niveau de l’humour, 7 à La Une pour l’actu, Le 6-8, la fiction, la culture avec L’invitationou Coupé au montage, le sport aussi. Un panel de nouvelles émissions qui ont su trouver leur public.”
Le point est primordial. En proposant de nouveaux contenus créatifs, la RTBF, qui a vu son budget se réduire en 2013, s’assure ainsi de gonfler son portefeuille au propre comme au figuré. La preuve, elle revend de plus en plus de concepts à l’étranger et inverse la tendance du rachat de programmes conçus ailleurs. “Nous avions commencé avec Sans chichis puis les Pigeons, deux émissions qui ont tapé dans l’œil à l’international. Aujourd’hui, la fiction (La trêve et Ennemi public) intéresse la France, les États-Unis, l’Allemagne, la Grande-Bretagne… Une autre émission devrait également être rachetée. La RTBF est devenue une espèce de laboratoire d’innovations européen, c’est pour moi la plus grande des satisfactions” clôture François Tron. Une belle vitrine, qui permet évidemment plus de liberté de mouvement et donc d’innovation.
Face à ces résultats probants, pour une fois, la France fait pâle figure. En effet, une grande partie de ses chaînes sont à feu et à sang, comme Canal +, France Télévisions et encore TF1 qui subissent toutes d’importants remaniements. Allez, ça fait du bien d’être chauvin de temps en temps.
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Yannic Duchesne et Marie Frankinet