"Voulez-vous un “bébé-papiers”?

Depuis que les contrôles sur les mariages blancs ont été renforcés, faire  un enfant devient parfois le seul moyen d’accéder à un titre de séjour sur  le territoire belge. Une pratique discutable, mais pas toujours condamnable…

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Aïcha est arrivée en Belgique en 2015. Cette jeune Algérienne est alors enceinte de six mois. Elle s’installe chez sa sœur à Bruxelles. Celle-ci lui présente un ami belge qui accepte de reconnaître son enfant. Le bébé né ici prend donc la nationalité belge, ce qui vaut à Aïcha d’obtenir automatiquement un titre de séjour. Quant à la fillette, elle viendra grossir les rangs des “bébés-papiers”, de plus en plus nombreux chez nous, comme ailleurs en Europe. Aïcha a donc instrumentalisé son enfant dans le but d’obtenir un droit de séjour. La même démarche peut aussi émaner d’un homme sans papiers qui demande à reconnaître l’enfant d’une femme belge. L’Office des étrangers ne dispose pas de chiffres sur ce phénomène qui semble toutefois bien en augmentation. À Jette, depuis 2015, 16 courriers ont été adressés au parquet pour signaler des situations suspectes. À Schaerbeeck, on recense 6 signalements en 2014, 2 en 2015 et 1 en 2016.
En mars 2016, les officiers d’état civil de communes bruxelloises ont tiré la sonnette d’alarme. Dans une lettre adressée au ministre de la Justice, Koen Geens, ils attiraient l’attention “sur ces reconnaissances de paternité frauduleuses, un phénomène qui n’est pas nouveau mais qui se développe de plus en plus”. En cause: la difficulté grandissante d’obtenir des papiers via un mariage ou une cohabitation de complaisance. Les contrôles ont été renforcés, la plupart des communes disposent désormais de cellules contre les mariages blancs (aussi appelés “arrangés) et les mariages gris (où il y a également tromperie sur les sentiments d’un des deux membres du “ couple ”).       À Schaerbeek, en 2004, 40 % des mariages ont uni des Belges avec des personnes en séjour illégal. En 2014, ce chiffre tombait à 21 %.
Ces bébés-papiers soulèvent malgré eux bien des questions. Doit-on réellement blâmer ceux qui sont prêts à tout pour une vie meilleure? N’est-ce pas illusoire de croire que tous les parents - avec ou sans papiers - conçoivent un enfant sans aucune autre optique que de donner la vie par altruisme? “Ce qui n’est bien sûr pas acceptable, c’est l’exploitation commerciale de ces bébés-          papiers, explique Kathleen Calie, qui a dirigé la cellule “mariages blancs” de la zone Midi pendant trois ans. La reconnaissance de paternité ou de maternité s’obtient parfois contre de l’argent. Des filières organisent la rémunération des pères ou des mères de complaisance. Exemple: un homme de 75 ans, marié depuis 30 ans, se voit proposer une somme s’il accepte de reconnaître le bébé d’une inconnue. Avec l’argent, il part au soleil avec sa femme pendant deux mois. À son retour, il se dit que c’était quand même facile. Et il recommence. Autre exemple: un homme se rapproche d’une mère célibataire. Il a besoin de papiers. Elle a besoin d’argent. Ils s’arrangent comme cela. Beaucoup profitent de la vulnérabilité de femmes qui élèvent seules leur enfant dans des conditions précaires.”

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La suite dans le Moustique du 13 juillet 2016

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