
Dour Festival: 7 trucs à retenir de la journée de samedi

Odezenne
"Ça n’arrive qu’à Dour!". Du côté de la plaine de la Machine à Feu, cette phrase est devenue culte. Et, pour cause. Ici, chaque jour déclenche une avalanche de phénomènes paranormaux. Samedi après-midi, par exemple, ce sont des dizaines de poupées gonflables – à usage érotique – qui se dirigent vers la Jupiler Dance Hall pour assister au concert d’Odezenne. Masculines, féminines ou animales, ces répliques à pipettes doivent leur présence à la bonne volonté de quelques festivaliers acharnés : des allumés qui, trois ans plus tôt, ont emmené une poupée à un concert du groupe français, rêvant depuis lors de reproduire la performance à plus grande échelle. Ils ont donc profité du retour annoncé d’Odezenne à Dour pour lancer une campagne de financement participatif sur Internet. But de l’opération : s’offrir un maximum de « Love Dolls » pour une fête totale… Et ça fonctionne. Dans la joie et la bonne humeur, les mannequins en plastique dansent et voltigent dans la foule au moment où Odezenne passe à l’action. Entre rap, chanson française et electro, le quatuor bordelais signe des morceaux taillés pour les festivités : flow bien barré, surréalisme désenchanté, chansons à danser et autres slogans de fin de soirée (J'veux d'la vodka. Dans un gros tonneau) donnent le ton. En mouvement sur des textes délirants, les deux MC’s culbutent les genres avec style. Couchées sur un lit de percussions, électrocutées par une guitare électrique ou arrosées par quelques vagues synthétiques, les chansons d’Odezenne osent tout : le dancefloor et les pogos, les déclarations d’amour et les cris de révolte. Un peu phagocytée par des problèmes de sons, la prestation s’impose finalement à l’énergie et via de grands morceaux (On nait on vit on meurt, Tu pu du cu, Bouche à lèvres). Du très haut niveau.
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King Khan & The Shrines
Dans le genre foldingue, la prestation De King Khan & The Shrines dans la Petite Maison dans la Prairie vaut également le détour. Arish Ahmad Khan, l’Indien de Montréal, joue le super-héro rock’n’roll dans une combinaison de champion: une tenue noire et moulante profilée pour épouser les contours d’une légère surcharge pondérale. Cerise sur le gâteau : l’accoutrement dispose de deux ouvertures étudiées pour laisser respirer les fesses. Du grand art. Super star, véritable bête de scène, l’artiste promène sa tignasse peroxydée – à faire passer Marouane Fellaini pour l'homme le mieux coiffé du monde – à travers l’histoire du rock. Entouré par une section de cuivres à capes dorées, King Khan refait le portrait du Velvet, des Stones, Sonics et autres 13th Floor Elevators dans des morceaux qui s’agitent au carrefour du R’nB, du punk et des vapeurs psychédéliques. L’homme est allumé et ses prises de positions aussi. À un moment, il dédie « Une chanson pour les transsexuels. Tous les transsexuels ! Tous sauf les barbus. Parce que ceux la sont vraiment trop « scary » ! » » Givré, un peu loin dans la forêt, l’amuseur public N°1 a répondu présent avec un show cintré et parfaitement emballé.
The Soft Moon
Dans Le Labo, l’Américain Luis Vasquez marche sur la scène avec The Soft Moon. Si le groupe vit son quotidien sous le soleil californien, sa musique se complaît plutôt à l’ombre des palmiers ou à la nuit tombée. Ici, des synthés carbonisés carburent à la new-wave, des hymnes post-punk cabriolent dans les friches du rock industriel et, dans les hauts-fourneaux de l’electro, mélodies et mélancolie fusionnent pour donner vie à des tubes en fer forgé. C’est chaud, chaud, chaud. The Soft Moon s’appuie sur l’héritage de The Cure, Suicide, Bauhaus ou The Sisters of Mercy pour ériger un mur du son dansant et hargneux. Une claque !
Sigur Rós
Alors que la nuit tombe, que la fête bat son plein entre guitares rebelles (Lagwagon, Madball, Fat White Family) et rap revêche (Skepta, Goldlink), c’est un élan de douceur qui s’empare de la Last Arena. Sigur Rós monte sur la scène principale et entame un show sophistiqué contre vents et marées. Parce que, sur le papier, il faut bien l’admettre, catapulter la délicatesse du post-rock islandais en pleine montée de sève douroise, c’est un drôle de pari. Et pourtant, c’est gagné. Tous les ingrédients du concert à conjuguer au plus que parfait sont au rendez-vous : public présent en masse, magie des chansons et bande-son d’une élégance sans nom. Réputé pour son éclectisme, le Dour Festival prouve, une fois encore, que l’ouverture d’esprit de son public reste un de ses points forts. Resserré autour d’un trio, Sigur Rós suit la voix angélique de Jónsi Birgisson pour délivrer un show d’une rare intensité.
Underworld
À côté des découvertes, le Dour Festival reste aussi un bon endroit pour célébrer ceux qui, à un moment ou l’autre, ont écrit l’histoire. Après trente ans de vie commune, Karl Hyde et Rick Smith s’offrent une seconde jeunesse avec, à la clé, un arrêt obligatoire sur la plaine de la Machine à Feu. Planqués derrière la palissade d’Underworld, les deux hommes ont marqué les années 1990, rythmé les plans séquences du film "Trainspotting" et fusionné les genres avec style. Pop, trance, new wave et techno: c’est leur recette du bonheur. Sur la Last Arenea, Underworld peine parfois à imposer les excellents morceaux de son nouvel album ("Barbara, Barbara, We Face A Shining Future") mais déclenche l’hystérie collective dès que la machine à remonter le temps décolle sous le ciel dourois. Placé en fin de set, le tube ‘Born Slippy’ vient d’ailleurs souligner un constat qui colle parfaitement à l’état d’esprit du festival. Si certains tubes sont intemporels, il n’y pas d’âge pour faire la fête. Ici, jeunes ou vieux, les ados se sont amusés comme jamais.
Moaning Cities
Après la Fête de la Musique et les Ardentes, Moaning Cities investit le Labo d en ce lever de rideau de la quatrième journée du Dour Festival. Le son est énorme, le groupe psyché belge est en pleine possession de ses moyens et malgré l'heure matinale, le public est au rendez-vous. Ce 23 septembre, Moaning Cities publiera son nouvel album « D. Klein » (jeu de mot autour de « Decline » plutôt qu'hommage à la chanteuse de Vaya Con Dios Dani Klein). Sur scène, le quatuor relit les principaux moments de bravoure de son premier CD « Pathways Through The Sail » et dévoile plusieurs extraits de « D. Klein ». Le moins qu'on puisse dire, c'est que ça s'annonce bien. Plus brut, plus incisif, plus rock, l'excellent single Insomnia met ainsi en valeur la voix de la bassiste Juliette venant donner la réplique à son frangin Valerian. Quelques notes de clavier, discrètes mais toujours ajoutées à bon escient, insufflent des nuances plus contrastées à la musique du groupe qui sort régulièrement des ténèbres. Entre The Black Angels et 13th Floor Elevators, Moaning Cities creuse son propre chemin et impose son identité. A bout de 45 minutes, on sort de ce trip gonflé à bloc. Une très belle performance. Prochain rendez-vous : le 23 septembre à la Rotonde du Botanique pour le concert de « release album » des Bruxellois. On y sera...
Dub Corner
Encore un truc qu'on ne voit nulle part ailleurs. Pendant quatre jours, les fans de reggae, de dub, de soundystem et de grosses basses qui secouent l'estomac peuvent se régaler dans un espace qui leur est exclusivement réservé. Nous ne sommes qu'à une centaine de mètres à peine de la fureur hardcore de la Cannibal Stage, mais c'est bien dans un autre monde que nous avons posé les pieds. Pendant que le Reggae Bus Soundstystem, Kebra Ethiopia, Alpah Steppa & Omega se succède derrière la console, le public vibre à la gloire de jah, se repose dans l'herbe, chille avec ses bros et se la joue roots. Une tonnelle, du gros son, des dreadlocks, du soleil, un nuage de fumée. De Dour à Kingston downtown, il n'y a qu'une bouffée... Jah!
Texte: Nicolas Alsteen, Luc Lorfèvre.
Photo Alexis Taminiaux/AVPRESS