
Erdogan : caprices d’un dictateur

Premier ministre turc entre 2003 et 2014 et président depuis deux ans, Recep Tayyip Erdoğan a le goût du pouvoir. Trop pour vouloir s’en séparer. Déjà, il a ouvertement déclaré vouloir renforcer le pouvoir présidentiel, tout en réprimant ses opposants ainsi que les minorités. Mais depuis la tentative de putsch, celui qu'on surnomme le « grand homme » accélère la manœuvre et multiplie les caprices dictatoriaux.
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Muselage de la presse
Après le putsch, Erdoğan organise une purge et place 42 mandats d’arrêt contre des journalistes proches de Fethullah Gülen, que le président accuse d’avoir fomenté le coup d’était manqué. Dix-sept d’entre eux croupissent actuellement en prison. « 102 médias ont été fermés par décret », annonçait un journaliste de reporters sans frontières il y a une semaine.
Les opposants : qu’ils se lèvent maintenant et se taisent à jamais
Plus de 8.800 militaires et 300 gardes présidentiels arrêtés et mis en garde à vue, 55.000 fonctionnaires licenciés ou suspendus, 2.100 magistrats et plus de 1.300 policiers également placés en garde à vue, des intellectuels, 94 membres de la fédération turque de football… la purge du chef d’État a visé large. Il ne fait pas bon figurer sur les listes « pro-Gülen », d’autant plus que le président a annoncé vouloir rétablir la peine de mort « si le peuple le veut ». Or, le peuple, c’est Erdoğan.
Commandant des armées
Le chef de la République de Turquie détient, par définition, le commandement des forces armées. Seulement, le 30 juillet, l’homme d’État a annoncé qu’il comptait changer la constitution pour obtenir le contrôle direct de l’armée et des services de renseignement. Une telle révision constitutionnelle demande le consentement des deux tiers du parlement, difficile à obtenir en temps normal. Quoique... Le 25 juillet, Erdogan a rencontré deux partis d’opposition puis est apparu à leur côté lors du rassemblement pour l’ « union nationale » de ce dimanche. L’alliance laisse présager le pire.
Hitler, cet exemple
Si Erdogan change la constitution, il y a fort à parier qu’il y intègre des changements qui lui tiennent à coeur. Le système politique turc, selon lui, a tout à gagner à donner plus de pouvoir à la fonction présidentielle, sapant dans la foulée le pouvoir du parlement (qui élit actuellement le président). Au début de l’année, il avait cité l’Allemagne d’Hitler en exemple de système présidentiel qui peut marcher. Certes, il avait été rapidement corrigé par son bureau de presse. Mais l’union nationale forcée depuis le putsch avorté, les ennemis politiques "réconciliés", le destin d’un pays entre les mains d'un seul homme, tout ça vous a comme un air de prendre l'histoire à rebrousse-poil.