

Ouch, ça fait mal. Les patients atteints de fibromyalgie, ce syndrome caractérisé par des douleurs diffuses dans tout le corps, ne pourront plus, à partir du 1er janvier 2017, se faire rembourser comme auparavant le prix de 60 sessions de kinésithérapie d’une durée de 30 minutes chacune. La fibromyalgie et le syndrome de fatigue chronique quittent en effet la liste des “pathologies spécifiques” pour intégrer celle des “prestations courantes”. Les malades devront dès lors se contenter de 18 séances remboursées de 45 minutes… non renouvelables. Au sein de l’ASBL Focus Fibromyalgie, l’incompréhension est totale. “La kiné permet aux personnes atteintes de fibromyalgie d’adoucir la douleur. On est arrivé à un stade où les économies ont pris le dessus sur les soins des patients”, lance sa vice-présidente Anne Pirmez.
Au cabinet de la ministre de la Santé Maggie De Block, on nous confirme pourtant que la mesure n’a “pas du tout une motivation budgétaire”. Qu’elle fasse économiser 4,2 millions d’euros au gouvernement fédéral ne serait ainsi qu’un très heureux hasard. La limitation du remboursement des séances de kinésithérapie pour les patients atteints de fibromyalgie découlerait plutôt du bon sens. De la “médecine basée sur les faits”, justifie l’attachée de presse de la ministre en évoquant plusieurs études scientifiques venues de Grande-Bretagne, des Pays-Bas et de Norvège. Mais surtout, la décision a été prise sur la base de l’avis du Conseil technique de la kinésithérapie. C’est bien là que le bât blesse. Ce conseil, composé à parts égales de représentants des mutuelles, d’experts et des associations professionnelles, ne serait pas totalement désintéressé. Seuls les kinés inscrits à l’Axxon, l’association représentative des kinésithérapeutes en Belgique et seul partenaire reconnu par les gouvernements belges, auraient le droit d’y faire entendre leur voix. “Soit pratiquement que des kinés néerlandophones dont la politique régionale compense cette baisse de remboursement", se désole Didier Leva, président de l’Union des kinésithérapeutes francophones et germanophones de Belgique (UKFGB).
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Aujourd’hui encore, la suspicion est de mise quand on évoque celles et ceux - ils sont environ 400.000 en Belgique - qui se disent atteints de fibromyalgie. Sur le plan clinique, il n’existe pas de mesure objective ni de handicap visible qui en démontrerait l’existence. Elle a d’ailleurs longtemps été considérée comme un trouble mental. Dans le grand public, son assimilation à une “maladie psychologique” demeure d’ailleurs encore vivace.
Les symptômes de la fibromyalgie sont à la fois nombreux et variables dans l’espace et dans le temps. La majorité des patients concernés se plaignent de douleurs localisées essentiellement au niveau du cou, des épaules, des genoux, des coudes, des régions dorsales hautes et basses et des hanches. Ces douleurs peuvent être spontanées et diffuses ou provoquées par une simple pression, une posture prolongée ou des mouvements répétitifs. “Plusieurs facteurs physiques et psychologiques participent à leur modulation. Par exemple, le surmenage, le mauvais temps, l’état hormonal, le stress ou l’anxiété”, précise le docteur Étienne Masquelier, chef de clinique aux centres de la douleur de Mont-Godinne (Yvoir) et de Saint-Luc (Bruxelles).
Les patients fibromyalgiques manifestent d’autres symptômes douloureux, tels, selon les cas, des maux de tête, des douleurs thoraciques, des troubles du côlon (côlon irritable), des paresthésies (fourmillements, picotements, brûlures) des membres, etc. Peuvent s’en ajouter d’autres, indolores. Des raideurs musculaires, une intolérance à l’effort, une instabilité posturale, une hypersensibilité à la lumière ou au bruit, des plaintes cutanées, un syndrome des jambes sans repos, des problèmes génito-urinaires, mais surtout un état de fatigue chronique et un sommeil non réparateur.
Le sentiment d'être incompris
“L’anxiété et la dépression guettent les patients fibromyalgiques. Il est malaisé de déterminer si les perturbations de leur sommeil et leur fatigue sont premières ou sont la conséquence d’un parcours épuisant sur le plan psychologique”, souligne le professeur Marie-Élisabeth Faymonville, chef du service d’algologie du CHU de Liège. Cette fatigue chronique peut aussi résulter d’une importante dépense d’énergie déployée pour lutter contre la douleur ou le stress.
L’anxiété est donc fréquente chez les patients fibromyalgiques, notamment parce qu’ils tendent à se focaliser sur leurs sensations douloureuses et que les incertitudes entourant le diagnostic de fibromyalgie, du moins dans un premier temps, les conduisent à s’interroger sur la gravité et la pérennité de leur état. Ainsi, en Amérique du Nord, on estime qu’il faut cinq ans et une dizaine de visites médicales avant qu’un diagnostic de fibromyalgie ne soit prononcé. En outre, la perte d’autonomie et le sentiment d’être incompris seraient à l’origine d’états dépressifs plus ou moins sévères. Enfin, le diagnostic de fibromyalgie n’est pas aisé à poser, car il peut être partiellement partagé par d’autres pathologies.
Se pose évidemment la question, très débattue, des causes de la fibromyalgie. Manifestement s’entremêlent et interagissent des composantes biologiques, psychologiques et sociales sans que des lésions puissent être mises en évidence au niveau clinique. Ainsi, rappelons-le, l’incompréhension et la suspicion dont le patient fait régulièrement l’objet peuvent contribuer à entretenir le “mal”. Tout comme l’anxiété est de nature à participer à sa genèse et à sa pérennisation.