
Est-ce la fin des libraires ?

Parler d’un secteur en crise relève de l’euphémisme. Entre 2010 et 2015, d’après les chiffres du SPF Économie, trois libraires indépendants (franchisés ou non) ont jeté l’éponge chaque semaine. En 2015, il n’en resterait plus que 3.326 sur le territoire, contre 4.048 cinq ans plus tôt. Soit une chute de 18 %. Pour la période postérieure à 2015, les chiffres ne sont pas encore disponibles, mais la tendance serait confirmée.
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Selon Xavier Deville, vice-président de l’association des distributeurs de presse indépendants Prodipresse, le chiffre des survivants tournerait plutôt désormais autour des 3.000. Le métier est dur. Les libraires commencent rarement après 5 h du matin, heure de réception de la presse, et terminent souvent après 18 h. Psychologiquement aussi, le tribut est lourd. Dans sa “Scoop Librairie” installée le long de la chaussée de Bruxelles, à Frasnes-lez-Gosselies dans le Hainaut, David Amay, le cogérant, parfois sature. “Nous sommes les seuls commerçants à voir certains de nos clients tous les jours. Forcément, une relation de confiance s’installe et on devient en quelque sorte leur psy. Ils nous racontent parfois des choses inavouables. Pendant ce temps-là, on doit faire face à nos problèmes personnels et professionnels sans pouvoir se lamenter, en gardant toujours le sourire.” Le salaire n’est même pas là pour récompenser leur dur labeur.
La crise aurait commencé en 2005
David Amay touche 1.100 € par mois. Les bons mois. Il pourrait bien sûr gagner plus, s’il travaillait plus. À presque 41 ans, il a toutefois perdu la forme de ses débuts. “Je ne peux plus bosser 70 heures par semaine et, parfois, j’ai besoin de prendre des vacances.” Alors, il a embauché Jérémy à mi-temps pour faire certains petits matins et le samedi. Pour David Amay, pas question de revenir en arrière. Il préférerait encore fermer son commerce…
La crise des libraires indépendants aurait commencé en 2005 quand les pompes à essence se sont mises à vendre presse, cigarettes et autres produits de la Loterie nationale. Soit les trois grands piliers de la profession. Depuis, les chaînes alimentaires de proximité (”Okay”, “Spar”, “AD Delhaize”, etc.) ont également intégré ces produits à leurs rayons. Tout comme certains supermarchés tels que Carrefour et Delhaize.
Aujourd’hui, les libraires ne représenteraient qu’un peu plus de la moitié des points de vente les écoulant. L’intérêt pour leurs produits par contre n’a pas subitement augmenté. Au nom de la libre concurrence, ils doivent dès lors partager le même gâteau avec plus du monde. La plupart l’accepteraient si seulement les difficultés se limitaient à cette rude compétition. Or, les défis sont nombreux. Récemment, la Loterie nationale vient encore de changer les règles du jeu en revoyant les commissions octroyées aux vendeurs (voir encadré ci-dessous).
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La Loterie nationale crée l’incertitude
La marge bénéficiaire sur les ventes de jeux de hasard passe de 6 à 4,5 %. Les libraires les plus fragiles en sortent perdants.
La Loterie nationale vient de présenter sa révision des commissions perçues par les vendeurs de jeux de hasard en Belgique. Ces derniers (libraires, pompistes, acteurs de la grande distribution, etc.) toucheront dès le mois d’avril une marge de 4,5 % au lieu de 6 % actuellement sur les produits vendus. De nombreux indépendants, qui ont réalisé en 2016 86,3 % des ventes selon le bilan annuel de la Loterie nationale, ne voient pas cette réforme d’un bon œil. “
Il y a eu un gros problème dans la communication au sujet de cette réforme, justifie le vice-président de l’association Prodipresse et libraire liégeois Xavier Deville. D’abord, Prodipresse n’a pas accepté ce deal. Nous avons simplement été consultés par le conseil d’administration de la Loterie nationale et nos demandes n’ont pas été retenues dans la décision finale.”
Ensuite, tout ne serait pas à jeter dans cette réforme. En effet, une marge bénéficiaire supplémentaire de 0,75 % sera perçue par les vendeurs qui proposent à leur clientèle toute la gamme des produits de la Loterie nationale. Une autre marge de 0,75 % sera octroyée à ceux qui acceptent de payer directement les gagnants jusqu’à 1.000 € de gains soit en cash, soit par virement bancaire. “Or, cela est le cas de 99 % des libraires!, poursuit Xavier Deville. Ces derniers toucheront donc toujours 6 %, contrairement à la plupart des supermarchés et des pompes à essence.”