Pollution: ces kits qui déjouent les réglementations

Vendus à prix dérisoire sur Internet, des kits permettent de désactiver les systèmes de dépollution des moteurs diesel. Illégaux, ces petits boîtiers restent pourtant difficiles à être détectés.

 

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Depuis des années déjà, de nombreux garages proposent aux particuliers d’enlever leur filtre à particules qui, en usage urbain, s’encrassent et peuvent entraîner de coûteuses dépenses. Mais un nouvel appareil, visant essentiellement les poids-lourds et les petits diesel, permet de contourner les réglementations environnementales. Son nom: l’«AdBlue emulator» ou «Adblue-killer».

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Il a l’apparence d’un petit disque dur externe, avec quelques câbles prêts à être soudés… et ne requiert aucun «logiciel externe». Son rôle: contourner le système de dépollution SCR intégré aux camions et voitures diesel construits à partir d’octobre 2006. Depuis l’automne dernier, les ventes de ces kits se sont envolées sur internet. Vendus en masse sur eBay, AliExpress et quelques sites spécialisés, ces logiciels pirates ont envahi toute l’Europe. D’autant plus que leur prix est dérisoire: il oscille entre 20 et 120 euros en formule «prête-à-installer» et 500 euros, environ, pour une installation in situ, avec le déplacement d’un technicien.

L’AdBlue est cette solution aqueuse, composée d’urée et d’eau déminéralisée, qui permet de réduire la teneur en NOx (oxyde d’azote, polluant redoutable) contenue dans les émissions d’un moteur diesel. Injectée dans le pot d’échappement, elle éliminerait jusqu’à 90 % des NOx, qu’elle transforme en vapeur d’eau et azote inoffensif. «Théoriquement, l’AdBlue est indispensable pour faire démarrer les poids lourds. Mais remplir le réservoir de ce mélange coûte cher… (environ 0,60 euro par 100 km parcouru, NDLR). C’est pourquoi tant de conducteurs préfèrent s’en passer et achètent nos produits», explique un commerçant contacté par nos soins.

Lorsque les réservoirs d’AdBlue sont presque vides, une alerte se déclenche, obligeant le conducteur à faire le plein de cet additif. Pour un camionneur, une recharge est nécessaire tous les 1.000 km. «S’il ne le fait pas, une sécurité bloque immédiatement le moteur du véhicule, l’empêchant de rouler. Ce qui peut être extrêmement problématique pour un transporteur, obligé de livrer sa marchandise à temps», poursuit le vendeur. Via un simple dispositif de reprogrammation, l’Emulator permet au véhicule de continuer à rouler. «Le camion garde toutes ses capacités (montée en régime, puissance et couple normaux), même s’il n’est plus alimenté en AdBlue», assure le commerçant.

Difficile à détecter

Supprimer – même occasionnellement – ce dispositif de dépollution reste interdit. En effet, depuis 2007, la Commission européenne prohibe l’usage de tous «dispositifs d’invalidation». Mais vu les contraintes que fait peser l’AdBlue sur les flottes de poids lourds – alourdissement du véhicule, coût de ravitaillement d’environ 1000 à 2000 euros par an –, de plus en plus de transporteurs sont tentés de brider le système. Combien sont-ils? Difficile à dire en Belgique, où les contrôles sont pratiquement inexistants. Fin janvier, la chaîne publique allemande ZDF révélait pourtant que 20 % des camions circulant en Allemagne et venant de l’Est de l’Europe avaient recours à ce système, tout en étant estampillés Euro 6… ce qui leur permet d’éviter de payer des taxes supplémentaires aux péages. «Un manque à gagner de 110 millions d’euros pour l’État», selon l’association des entreprises de transport allemande Camion Pro. Auxquels s’ajoute un impact sanitaire qui lui, se compte en milliers de vies: en Allemagne, le trucage aurait abouti à la production de 14.000 tonnes de NOx par an, soit deux fois plus que ce qui est reproché à Volkswagen dans l’affaire des moteurs truqués.

Depuis, les contrôles sur les autoroutes allemandes se sont intensifiés. En Belgique, le sujet est également dans le viseur des autorités. Reste que sans le matériel nécessaire, la plupart des contrôleurs routiers, des brigades et même des centres de vérification agréés contactés par nos soins sont dans l’incapacité de détecter les logiciels tueurs d’AdBlue. Résultat: l’infraction ne peut être constatée que par un concessionnaire, le seul à disposer de la valise informatique adéquate. Or, selon une étude du Conseil international pour un transport propre (ICCT), les effets positifs de l’AdBlue sont avérés. Les poids lourds diesel roulant avec l’additif polluent beaucoup moins: 210 mg d’oxyde d’azote (NOx) par kilomètre, contre plus du double pour les voitures à la norme Euro 6. A un coût d’environ 0,60 euro par 100 km parcouru, il serait dommage de s’en passer.

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