VIDÉO. Orthographe: faut-il encore réformer ?

Les exceptions générées par les participes passés seraient pires que la petite vérole. On le dit depuis le 16e siècle. Qu’est-ce qu’on jette, qu’est-ce qu’on garde ?

L'orthographe, un problème vieux comme le monde ©Kanar

La nouvelle orthographe de 1990 a suscité passions et altercations. Le grand grammairien André Goosse la qualifiait pourtant dès 1991 de “petite opération chirurgicale qui doit se faire une fois par génération”. Et il ajoutait: “rendez-vous en 2020”. Voici quatre voies possibles, envisagées avec le plus grand sérieux par les linguistes.

Les pluriels en x

Les pluriels en x sont des fantaisies abréviatives héritées du Moyen Âge dont la conservation depuis dix siècles tiendrait du miracle de Lourdes. Les copistes au Moyen Âge avaient pris l’habitude de représenter la finale “us” en une sorte de “x” élancé. Plus tard, on y a lu un véritable “x” auquel on a même ajouté un “u”. Mais au vogelpik. Des “chevaux” mais des “landaus”. Des “cheveux” mais des “pneus”. Des “choux” mais des “clous”. Les pluriels en “oux” sont les plus fous et les plus célèbres. Pour les retenir, les écoliers sont réduits à les mémoriser sous la forme de comptine dont on peut, de nos jours, trouver sur Youtube une version chantée façon tango

Les consonnes doubles

Les consonnes doubles non prononcées impliqueraient près de la moitié des fautes orthographiques. On écrit donc “modèle”, “diète”, “secrète”, “partisane” mais “aquarelle”, “dette”, “nette” et “paysanne”. Évidemment, pas question de toucher aux doubles consonnes qui marquent la différence en se prononçant différemment: “fille” et “file” ou “poisson” et “poison”. Mais dans des mots comme “appliquer”, “apporter”, “approcher”, le redoublement n’enrichit en rien la langue. 

Les participes passés

Dictée! “La sève que les racines avaient réunie dans le tronc”. 10 % des élèves de 3e secondaire feront un sans-faute. Clément Marot, poète du 16e siècle, a rapporté, dit-on, deux choses d’Italie, la petite vérole et le participe passé, le plus nocif des deux. “Quand à     l’horizon du cours de français, se lève pour la première fois, nuage lourd de menaces, le participe passé conjugué avec l’auxiliaire “avoir”, l’enfant comprend que ses belles années sont à jamais enfuies et que sa vie sera désormais un combat féroce et déloyal contre des éléments acharnés à sa perte”, écrivait l’écrivain François Cavanna. Le participe passé est à la fois verbe et adjectif. Malheureusement, il ne suit ni la logique du verbe (il varie comme un adjectif) ni celle de l’adjectif (conjugué avec avoir, il ne varie que quand son support le précède). “Inutile de rappeler ici la complication des règles en cascade auxquelles cela a donné lieu”, notent les linguistes Georges Legros et Marie-Louise Moreau, auteurs de Orthographe: qui a peur de la réforme? 

Les lettres grecques

Abandonner le “ph” au profit du “f” ou le “y” pour un “i” est un terrain délicat. Pourtant, ces lettres étymologiques, qui ne transcrivent pas de sons spécifiques, n’ont pas l’ancienneté dont on les pare souvent, notent les linguistes Georges Legros et Marie-Louise Moreau. C’est la Renaissance qui les a introduites avec ses emprunts massifs au grec pour la formation de mots savants. Jusqu’à donner de fausses références comme dans le cas de “nénuphar”. Les autres langues romanes comme l’italien, l’espagnol, le portugais ou le roumain ont abandonné les lettres grecques aux 17e et 18e. Mais pas le français. Et les défenseurs de ces coquetteries attribuent des vertus de patrimoine historique indispensable à ces “ph” et ces “y” qui compliquent la logique orthographique. 

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Vidéo réalisée par Rafal Naczyk. 
Montage: Hervé Verloes. 

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