
Opération au parc Maximilien : quand les Belges ouvrent leurs portes

L'histoire se répète. Mercredi, comme chaque soir, les bénévoles de l'action « Hébergement plateforme citoyenne » se sont relayés pour tenter de faire en sorte que chacun des 300 réfugiés en transit du parc Maximilien trouve un refuge pour la nuit. Ce 20 décembre pourtant, à quelques pas de là s'organise une armada de policiers. Un car, deux minibus et plusieurs voitures de police sont parquées à proximité de la Gare du Nord les intentions sont claires : interpeller les migrants qui se rendent au parc, zone sanctuarisée. Selon le porte-parole du ministre de l'Intérieur, Jan Jambon, il s'agissait d'une "petite action de la police fédérale de contrôle de la transmigration illégale". Très vite, l'info de ce « contrôle » est diffusée aux 25.000 membres du groupe Facebook et de nombreux bénévoles répondent présent pour sécuriser ouvrir leurs portes et sécuriser un maximum de monde. Il y aura tout de même 14 arrestations et 8 migrants sont toujours détenus en centre fermé. Mais cet élan solidaire, très efficace, aura permis de réduire drastiquement ces chiffres. Thomas Depicker a rencontré certains des membres de ce réseau particulier.
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Certains hébergent presque tous les soirs, d’autres occasionnellement. Certains ont une chambre d’amis, d’autres placent des lits de fortune dans leur salon. Et puis il y a les Colibris, qui servent de chauffeurs, qui trient les vêtements donnés ou qui les stockent. Il y a enfin cette fraction silencieuse qui voudrait aider mais qui n’y parvient pas encore. Quoi qu’il en soit, tous partagent une même idée: ces hommes, ces femmes et ces enfants que l’on appelle nonchalamment des “migrants” méritent mieux qu’une nuit dans la boue du parc Maximilien.
Le tweet de Theo Francken
Sur le groupe Facebook se bousculent chaque jour des dizaines de témoignages, de questions, de sondages, de messages d’espoir ou d’indignation. “L’indignation, c’est ça qui a fait exploser le nombre de membres”, estime Mehdi Kassou, représentant de la Plateforme citoyenne de soutien aux réfugiés. “Lorsque Theo Francken a tweeté #opkuisen (nettoyer) après une rafle, on s’est rendu compte que les gens avaient été choqués par le mot mais pas par l’idée. On a alors décidé de documenter le nettoyage du parc. Ça a levé le voile sur des mesures qui nous semblent inhumaines et beaucoup ont rejoint le mouvement.” Celle provoquée par la violence d’une intervention policière ensuite. “Elle a eu lieu début octobre, un soir vers 20 h, en plein milieu du dispatching d’hébergement et devant les familles d’accueil. Cette nuit-là, on est passé de 10 à 15.000 membres. Finalement, Theo Francken et ses équipes sont des très bons chargés de com pour notre plateforme. Ceci dit, on peut en parler autant qu’on veut, les vrais communicants ce sont les hébergeurs...”
Un bouche à oreille qui a amené Laurane, 25 ans, à prendre part au mouvement. “Une pote m’en parlait depuis un an déjà et j’ai commencé à cogiter. Après avoir lu les témoignages, j’ai convaincu ma mère. Ayant une chambre libre, on pouvait leur offrir un cadre non seulement pour dormir au chaud mais également en sécurité. L’air de rien, les nombreuses arrestations, parfois violentes, m’ont aussi confortée dans l’idée de franchir le cap.” Au sein du groupe, ils sont encore nombreux à s’interroger sur ce “cap”, à se demander quand transformer leur volonté sincère en action concrète. “Le déclic apparaît quand on se rend compte qu’un simple lit évitera à quelqu’un de passer la nuit dehors. Un lit, une douche, un peu de nourriture, parfois une lessive, c’est tout con. Évidemment, les premiers hébergements conditionnent la suite, mais les réfugiés eux-mêmes n’ont aucun intérêt à ce qu’il y ait un problème.”
Celle qui a conduit Laurane vers le parc Maximilien, c’est Tamara. Une jeune femme dont l’engagement coule dans les veines depuis toujours. “J’ai commencé par trier les dons de vêtements et de fil en aiguille j’ai accueilli des femmes chez moi pour maintenant héberger de manière intensive, à raison de cinq nuits par semaine. On le fait parce que aucune solution n’existe en Belgique pour les réfugiés en transit alors qu’ils sont épuisés physiquement et moralement.” Mère d’un garçon de six ans, elle n’hésite pas à l’impliquer. “Il prépare le salon avec moi et c’est déjà arrivé qu’il prête sa chambre. Je vois cela comme un moyen pour lui de comprendre la dure réalité du monde mais également de se rendre compte qu’il ne faut pas avoir peur de l’autre. Héberger un réfugié, c’est découvrir un univers parallèle, loin de notre confort.”