
Élections russes : cette vaste mascarade

Bourrages d’urnes, agressions, mouvements de foule, autocars bondés, observateurs menacés et électeurs déguisés, ce dimanche en Russie, c’était la foire à la saucisse pour les élections présidentielles. Sur plusieurs enregistrements issus de caméras de surveillance, on peut voir plusieurs responsables de bureaux de vote (voire certains électeurs) remplir les urnes de nombreux bulletins de vote. Vers 16h, l’ONG Golos, spécialisée dans le contrôle des élections, recensait déjà plus de 2200 cas d’irrégularités au cours du scrutin. À Lioubertsy (à l’est de Moscou), le cas de fraude a été confirmé par la Commission électorale et les bulletins ont été annulés.
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Mais les anomalies de ce scrutin ne se limitent pas à des bourrages d’urnes. Dans les universités, des employés et étudiants auraient voté sous la contrainte au sein même de leurs établissements, "là où l’on peut contrôler leur participation". Un cas de nonnes votant sous la surveillance de leur mère supérieure a notamment été déclaré. Plus anecdotique, mais néanmoins problématique, certains électeurs auraient reçu des poulets, des coupons de réductions ou des places de concert en échange de leur vote…
Лозунг этих «выборов»: приходите, мы вас покормим pic.twitter.com/d4UpURsi8E
— Alexey Navalny (@navalny) 18 mars 2018
Traduction du tweet : Le slogan de ces "élections" : venez, nous vous nourrirons.
Attirer les foules
Ces actes frauduleux visaient à augmenter la participation d’un scrutin sans suspense. En effet, "une large participation publique donne une plus grande légitimité au processus électoral, aux campagnes des candidats individuels et aux résultats de l’élection" selon Golos qui s’inquiétait déjà, quelques jours avant l’élection, de la manière dont des organisations "pseudo-publiques" stimule la participation civile aux élections russes. "Le monopole administratif complet est non seulement une caractéristique des élections en cours, mais aussi de pratiquement toutes les campagnes électorales russes depuis de nombreuses années" s’inquiète-t-elle. Elle signale que dans plusieurs régions du pays, des "ONG du réseau" (organisations d’anciens combattants, étudiants, syndicats, volontaires, etc.) se rendent en masse aux urnes en échange de contreparties telles un financement direct ou l’autorisation d’utiliser certains biens publics et municipaux pour leurs activités.
Écarter les opposants
Le principal opposant au Kremlin, Alexeï Navalny (déclaré inéligible jusqu’en 2024 à cause d’une condamnation judiciaire) a scruté les élections de très près lui aussi. Ses 33 000 observateurs ont dénoncé des entraves à leur travail, comme en Tchétchénie où plusieurs ont été "menacés physiquement". L’un d’entre eux aurait été "frappé et jeté dehors" par une cinquantaine d’hommes. D’autres ont été interdits d’accès aux bureaux de vote, comme à Oufa, Kémérovo (Sibérie) et à Krasnodar. Les observateurs font en outre état d’un taux de participation 10 % plus faible que celui donné par la commission électorale. C’est ce qu’a déclaré Ivan Jdanov, juriste de l’équipe de Navalny, à l’AFP.
Was just at this polling station in Dagestan. A gang of goons who had just beaten u the observers next door ran in and dragged the monitors out of sight of the ballot box. The polling workers then stuffed the ballot box before he came back. https://t.co/K7tO7EptxT
— max seddon (@maxseddon) 18 mars 2018
Traduction du tweet : J'étais à un bureau de vote à Daghestan. Une bande de voyous a frappé les observateurs, s'est précipitée à l'intérieur et a déplacé les caméras pour que l'urne soit hors de leurs vues. Les responsables du bureau de vote ont alors bourré l'urne (de bulletins de vote, NDLR).
Avec cette victoire, Vladimir Poutine entame donc tranquillement son quatrième mandat. À un journaliste lui demandant s'il pensait rester au pouvoir après 2030, il a rétorqué : "C'est un peu ridicule. Vous voulez dire que je gouvernerai jusqu'à 100 ans ? Et bien non".