La poupée qui dit ouiiiiii

Après Tokyo, Barcelone ou Paris, une maison close de mannequins siliconés ouvre ses portes au nord de Bruxelles. Cas de conscience et concupiscence.

 © Belga Image

"Bienvenue à la Premium Sex Doll House belge qui vous offre un service érotique unique avec ces belles dames en silicone, qui ressemblent à des vraies femmes. Vous pouvez louer nos Dolls à court ou plus long terme.” Malgré sa communication bas du front, l’inauguration de ce bordel d’un nouveau genre à Meise, à un jet de pierre de Bruxelles, n’est pas passée inaperçue. La presse quotidienne populaire y dépêchant ses envoyés spéciaux, histoire de faire connaissance avec Lolita, Sabrina, Kyara, Linda ou Jessica. Au total, cette maison close 2.0 héberge huit poupées sexuelles dont les passes sont facturées de 50 à 120 euros en fonction de la durée. Une option proposée à 20 euros permet également de les habiller selon les desiderata et fantasmes du client. Bon, rien à voir ici avec les prostituées humanoïdes ultra-sophistiquées des séries Dollhouse ou Westworld. À Meise, ces poupées de joie affichent juste un squelette en métal et une peau en plastique. “Lolita est censée être réaliste, mais sa tête trop large et ses doigts tordus lui donnent surtout un air de pantin désarticulé”, tacle Het Laatste Nieuws. “Elle était plus belle avant, lui rétorque Fabrice Jacobs, le propriétaire de l’établissement. Elle avait des tresses, mais un client a complètement ruiné sa coiffure, et j’ai donc dû tout enlever, parce que je ne sais pas faire de tresses. C’est pour cela que sa tête a l’air un peu grande maintenant.”

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Un nouveau job résolument singulier. Après le passage d’un client, Fabrice se rend dans un hangar situé derrière sa maison pour faire prendre un bain de désinfectant à sa poupée et nettoyer sa bouche, son anus et son vagin amovible. “La première fois, j’étais dégoûté, je dois l’admettre. J’ai laissé la poupée sur le lit pendant une demi-heure, sans la toucher. Mais je pense que l’hygiène est extrêmement importante, donc je me devais de le faire. Finalement tout va bien, je m’y suis déjà habitué”, confie-t-il au quotidien flamand. C’est sur l’idée de son fils que ce quinquagénaire a décidé de surfer sur le succès de ces maisons de poupées sexuelles. Lesquelles poussent aujourd’hui comme des champignons dans les mégapoles. Tokyo, Moscou, Barcelone, Dublin, Dortmund, Amsterdam, Paris… Des lupanars d’un nouveau genre qui ne font pas toujours l’unanimité. À Paris, l’inauguration récente du bordel Xdolls a d’ailleurs provoqué un tollé. Le groupe communiste d’opposition à la mairie demandant que l’on interdise ce type de business. “Cela donne une image dégradée des femmes, avec des ambiances sonores qui peuvent évoquer le viol”, a notamment déclaré le conseiller Hervé Bégué. Même son de cloche au Mouvement du nid, une association française qui lutte contre la prostitution. “Ce n’est pas un sex-shop. C’est un endroit qui génère de l’argent et où l’on simule le viol d’une femme”, déclare au Parisien Lorraine Questiaux, porte-parole de l’association. Florence Berthout, maire du 5e arrondissement, rappelant qu’on peut défendre la liberté d’entreprendre et en même temps “s’offusquer de ce qui est quand même une forme d’instrumentalisation du corps de la femme”.

Les modèles “enfants”

Selon Le Parisien, la police a fait des vérifications, mais n’a rien eu à reprocher au tenancier. “Pénalement, on ne peut pas accuser un homme de viol sur une poupée. C’est à peu près comme si une femme portait plainte contre un godemiché!”, justifie un policier interrogé par le quotidien français. Et la préfecture d’ajouter que “cette activité n’est pas non plus assimilable à du proxénétisme”. Le Code pénal fait en effet référence à des êtres humains et non à des objets. “Je trouve hyper-humiliant qu’on se préoccupe d’objets à branlette alors que des personnes humaines se battent toute l’année pour faire entendre leur voix”, a d’ailleurs asséné l’ex-star du porno Ovidie sur Twitter. En Belgique, où les maisons de plaisir sont tolérées, cette première ouverture ne semble susciter aucune réaction négative. Si le nouvel établissement situé en périphérie de Bruxelles a déjà accueilli une douzaine de clients - tous des hommes de 30 à 50 ans -, l’attrait pour ces poupées sexuelles connaît manifestement un engouement planétaire. Boosté par les humanoïdes très médiatisés de la firme californienne RealDolls (de 7.000 à 15.000 dollars le modèle siliconé et prochainement doté d’une intelligence artificielle), le marché de la sex-tech est aujourd’hui évalué à plus de 30 milliards de dollars. Avec des modèles personnalisables de la tête aux pieds… Des poupées qui ne disent jamais “non”? Sauf le sulfureux robot Frigid Farrah, commercialisé par la société américaine TrueCompanion et programmé pour être “timide et réservé”. Et l’entreprise de préciser que si on touche ses parties intimes, il est fort probable qu’elle n’apprécie pas nos avances. En somme, un robot programmé pour être violé comme le déplore l’auteure féministe britannique Laura Bates dans le New York Times. Encore plus dérangé ? Certains fabricants commercialisent aujourd’hui des poupées sexuelles… à l’effigie d’enfants. Ce qui inquiète notamment la Norvège où les autorités déclarent saisir de plus en plus de poupées juvéniles. En Angleterre, elles sont même désormais interdites.

Selon certains, les robots sexuels pourraient éradiquer la prostitution et freiner les maladies sexuellement transmissibles. Un tel support masturbatoire pourrait-il également servir d’outil cathartique permettant d’éviter la pédophilie ? Ou, à l’inverse, ne fera-t-il que nourrir un imaginaire sexuel incriminable ? Au Japon, le P.-D.G. de Trottla, entreprise qui commercialise des poupées écolières, se réjouit en tout cas de n’avoir jamais succombé à son vice (la pédophilie) grâce à sa poupée “grandeur nature”... Pour le Britannique Jon Brown, responsable du développement à la NSPCC (National Society for the Prevention of Cruelty to Children), une association pour la protection des enfants, “il y a clairement un risque pour que l’usage de ces poupées sexuelles d’enfants désensibilise et normalise le fantasme chez ceux qui les possèdent. Un phénomène qu’on observe déjà chez les gens qui détiennent chez eux des images pédophiles”. Vu le développement rapide de ces nouveaux sex-toys, il semble en tout cas urgent de se poser la question.

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