
William Vance parti, XIII est à moitié orphelin

William Van Cutsem est né à Anderlecht en 1935. Comme beaucoup de jeunes gens de l’époque, Tintin bercera son enfance, et, après un passage dans l’illustration de "réclames", il est engagé au journal Tintin, dans lequel il se fera la main, en débitant série sur série. Les péripéties d’un officier de marine de le fin du XVIIIe siècle (Howard Flynn), puis celles d’un "agent de sécurité" à l’époque des diligences et du far-west (Ringo) attireront sur son dessin toutes les attentions. Ces récits virils et documentés deviendront le terrain de jeu préféré du jeune Van Cutsem, qui, c’est de bon ton à l’époque, prend un pseudo. Ce sera William Vance. Il peaufine son art, et cette capacité d’équilibrer réalisme et évocation dans un mélange saisissant et séduisant.
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C’est en 1967 que Vance prend vraiment son envol, avec l’aventurier (contre tout guerrier) Bob Morane, à qui il va donner les traits qu’on lui connaît, même si il n’en est pas le premier dessinateur. Greg, le génial scénariste créateur de cet agent secret d’un nouveau genre, affirmait que c’en était "fini des héros à la cicatrice esthétique", il voulait des "mecs qui s’en prennent plein la gueule, avec des femmes qui participent à l’action".
Posture moderne dans cette industrie de la BD qui porte à peine ce nom, et qui se cherche en plein mai 68. Vance donnera à Greg l’image que ses mots exigent. Cadrages cinématographiques, gueules oscillante entre caricature et réalisme, couleurs qui osent. Bref, tout est prêt pour ce qui restera la pierre angulaire de l’œuvre de Vance... Jean Van Hamme, qui cherche à donner corps à son héros, inspiré de l’amnésique Jason Bourne.
En 1984, Le jour du soleil noir, le premier tome de XIII, paraît. Il y en aura dix-neuf scénarisés par Van Hamme et mis en formes par Vance. Et c’est la claque ! L’équilibre parfait entre un scénario touffu, dense, tordu, et un dessin à l’efficacité bluffante. Succès immédiat, cette série reste un jalon. Une bande dessinée tous publics, avec ce qu’il faut d’aventures, de violence et d’érotisme. Une alchimie rare, qu’on doit sans doute à la virtuosité de Vance, qui exécutait, durant 48 planches haletantes, un dessin lisible et riche, sexy et viril, et qu’il terminait par une couverture aux vertus picturales indéniables.
Aujourd’hui, même si les deux compères avaient laissé à d’autres les rênes de la destinée de leur amnésique ultra bankable, entre séries télé et spin off, il restera à jamais leur enfant, fruit de deux génies qui ont pu offrir à leurs nombreux lecteurs une série accessible et intelligente. Si XIII ne disparaît pas avec le départ définitif du grand Vance, il n’en est pas moins orphelin.